Troisième et dernière partie de notre entretien exclusif que nous a accordé la présidente de la Métropole, Martine Vassal, jeudi 28 octobre. Le président de la République lui a promis une aide d’un milliard d’euros pour financer son plan transports. Elle explique à Gomet’ comment elle compte utiliser cet argent et le calendrier de mise en place du groupement d’intérêt public.
De quels moyens disposent actuellement la Métropole pour financer son plan mobilités ?
Martine Vassal : Depuis la création de la Métropole, c’est le Département qui finance les projets transports. Il a mis 500 millions d’euros sur la table depuis 2016 pour lancer la réalisation des bus à haut niveau de service d’Aix-en-Provence, les pôle d’échanges multimodaux de Gardanne, La Ciotat ou encore Martigues… Pour respecter le plan de déplacement urbain jusqu’en 2030, la Métropole devrait investir environ 300 millions par an. Mais avec ses moyens actuels, elle ne peut en débourser que 80 ou 100 millions en tirant un peu sur la corde. Sans l’aide du Département, on ne pourrait pas tenir notre programme mais pour autant, ce n’est pas son rôle d’assumer ces dépenses. Au bout d’un moment, ce ne sera plus possible. C’est pour cela que l’on demande l’aide de l’Etat, qui je le rappelle nous l’avait promis lors de la création de la Métropole. Sans son soutien, la Métropole pourra financer l’automatisation du métro, la phase 1 de l’extension du tramway Nord-Sud et après, c’est fini. On a plus d’argent.
Le président de la République a annoncé une aide de 250 millions d’euros en subvention et de 750 millions d’avances remboursables. Est-ce suffisant selon vous pour les besoins en mobilité ?
M.V : C’est très insuffisant pour couvrir l’ensemble du plan de déplacement urbain d’ici 2030 mais ça permet de commencer à avancer sur les projets déjà avancés qui pourront sortir rapidement. Ensuite, ça soulage nos finances et nous permet d’avancer plus rapidement sur le reste. Enfin, si tout se passe bien. Ce pourrait n’être qu’un début. Le Président a indiqué que si nous arrivions à consommer le premier milliard pour les premiers projets retenus, il était prêt à mettre plus dans le Groupement d’intérêt public.
Avez-vous arrêté la liste des projets transports qui seront financés par le milliard apporté par l’Etat ?
M.V : Oui, c’est décidé. En fait, il s’agit des dix premiers projets qui sont réalisables d’ici quatre ans maximum et que nous avions présentés au Premier ministre pour le plan de relance. Elle comprend donc le renouvellement et l’automatisation de l’ensemble des rames de métro de Marseille, le prolongement de la ligne T3 du tramway vers la Gaye au Sud et vers Gèze au Nord et la création de cinq nouvelles lignes de bus à haut niveau de service à Marseille (BHNS 4 entre la Fourragère et Gèze), Martigues, Aix, Istres et Miramas.
Comment sera structuré le fameux groupement d’intérêt public (GIP) des transports annoncé par Emmanuel Macron ?
M.V : Il y aura un conseil d’administration avec l’Etat et la Métropole. La répartition de l’actionnariat n’est pas encore décidée mais ça pourrait être à 50/50 entre les deux. J’ai aussi demandé à faire rentrer d’autres partenaires comme la Région, les communes concernées et le monde économique car ils sont les principaux contributeurs du versement mobilité, dans un comité consultatif.
Quand sera-t-il créé ?
M.V : Très bientôt d’après ce que m’en dit l’Etat. Le préfet m’a assuré qu’il pouvait le mettre en place en une semaine. Après, il faudra recruter un directeur qui sera nommé par l’Etat comme pour la SPLA-IN de lutte contre l’habitat indigne.
Quand seront versés les premiers fonds promis par l’Etat ?
M.V : Je ne sais pas. Ils doivent inscrits dans la loi de finances 2022 donc ça ne devrait pas tarder (*).
Le GIP, une sorte de préfiguration de la société du type Grand Paris.
Martine Vassal
Le choix du GIP pour porter les investissements transports vous semble-t-il le bon ? Auriez-vous préféré une société publique dédiée ? Pourra-t-elle intervenir dans un second temps ?
M.V : L’Etat a choisi de créer un Groupement d’intérêt public (GIP) pour les transports car c’était très rapide à mettre en place. Il permet de recevoir l’argent versé par l’Etat et la Métropole et même de faire des emprunts sans peser sur la dette métropolitaine. Mais la maîtrise d’ouvrage reste à la Métropole. Ensuite, j’ai demandé à ce que les communes concernées et les acteurs économiques y participe sous un rôle consultatif. Ce serait une sorte de préfiguration de la société du type Grand Paris. Mais pour la créer, il faut une nouvelle loi. Je compte bien remettre sur la table cette société dédiée lors de la conférence fiscale et financière prévue en 2022. Elle permettra d’avoir une fiscalité propre et donc plus d’autonomie financière pour la Métropole. Ça marche très bien à Paris et Lyon qui ont réussi grâce ce modèle à développer un réseau de transport très performant.
Quand on me parle de la Belle de Mai, c’est le quartier de Marseille où il y a le plus de transport en commun.
Martine Vassal
Dans son discours du 2 septembre, le président de la République insiste sur le désenclavement des quartiers Nord de Marseille. Etes-vous d’accord pour dire que c’est la priorité ?
M.V : Il a raison mais la totalité du territoire est concerné par les problèmes de mobilité. On a du mal à aller à l’hôpital Nord, de Fos à Salon, d’Aubagne à la Boulladisse, de Marseille à Aix-en-Provence. Le problème est général. Quand on me parle de la Belle de Mai, c’est le quartier de Marseille où il y a le plus de transport en commun. Pour autant, ce quartier n’est pas en expansion. Tous les projets du PDU sont prioritaires, pas un plus que l’autre. Il faudrait tout faire en même temps pour rattraper notre retard. Il faut aussi accélérer sur le train car le ferré, c’est la solution pour mailler le territoire métropolitain.
Avec l’argent de l’Etat, pouvez-vous accélérer le prolongement du tramway jusqu’à la Castellane ?
M.V : Avec plus de financement, on pourrait peut-être gagner deux à trois ans sur le calendrier initial du Plan de déplacement urbain qui table sur 2028. Il y a cependant des délais incompressibles avec l’enquête publique, la concertation, les appels d’offres. Même si on commençait maintenant, ça mettrait au moins trois ans minimum. Le plus long, c’est le dévoiement des réseaux mais sinon, on peut aller vite sur les travaux. Mais avant cela, j’attends toujours la réponse de la Ville de Marseille sur le choix du tracé du tramway. A l’origine, il devait passer rue de Lyon mais j’ai l’impression qu’ils sont plutôt favorable à un tracé sur le littoral. Si ils veulent changer, pas de souci, mais il faut me le dire rapidement pour que l’on engage d’autres études.
Le maire semble plus favorable à un tramway à la Belle de Mai qu’aux Catalans. Ce dernier projet pourrait-il être abandonné ?
M.V : Je peux très bien arrêter le tramway des Catalans demain matin si il me le demande car le projet n’est pas encore trop engagé. Par contre, il doit rapidement me donner son avis car on s’apprête à lancer les appels d’offres et il faut décider avant. Après il veut faire le tramway des collines. Je veux bien étudier la question, voir où ça passe, si il faut exproprier les gens mais on en a pour au moins dix ans sur un projet comme ça.
Avez-vous consulté la Ville de Marseille pour établir la liste des projets transports qui seront financés par le milliard de l’Etat ?
M.V : Je leur ai expliqué que l’Etat veut financer les projets déjà prêts, donc il n’avait plus le choix, ni moi d’ailleurs. Ces projets ont été programmés avant que j’arrive à la tête de la Métropole. Je ne les ai même pas choisi. Il faut aller vite, le temps joue contre nous alors on prend l’argent pour financer ce qui est déjà dans les tuyaux. De plus, ils figuraient dans la liste des projets soumis au gouvernement pour le plan de relance et cette dernière a été votée à l’unanimité en conseil métropolitain.
Mais la cogestion, je l’ai expérimentée de 2008 à 2014 avec Eugène Caselli à la tête de MPM et ce n’est pas la solution miracle.
Martine Vassal
La mairie de Marseille aimerait avoir plus de place dans l’exécutif métropolitain. Seriez-vous prête à leur ouvrir une forme de gouvernance partagée ?
M.V : Je parle avec le maire de Marseille. On discute ensemble des projets qui concernent sa ville et c’est normal. Je l’écoute et je prends en compte ses besoins. Maintenant, sur la gouvernance partagée, Roland Giberti a été élu démocratiquement au poste de président du conseil de territoire Marseille Provence. On ne va pas revenir et mettre en cause les modes d’élections. Sur la Métropole centrale, c’est différent. On verra par la suite s’il y a des possibilités. Mais chaque chose en son temps. On reverra la gouvernance un peu plus tard. Mais la cogestion, je l’ai expérimentée de 2008 à 2014 avec Eugène Caselli à la tête de MPM et ce n’est pas la solution miracle. Je préfère pour l’instant travailler en direct avec les maires.
Lire les précédents volets de l’entretien avec Martine Vassal
Martine Vassal : « Nous n’avons jamais été aussi près de réformer la Métropole » (1/3)
Martine Vassal (2/3) : Pour le financement de la Métropole, « il faut tout regarder »
(*) La confirmation de l’aide a été officialisée par un amendement au projet de loi de finances soumis au vote vendredi 5 novembre.
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