Des annonces choc, une orgie de chiffres, une couverture médiatique hors norme. Si c’est évidemment sur la durée qu’il faudra juger les déclarations d’intention tous azimuts qui ont rythmé les deux jours du Sommet mondial pour l’Action sur l’IA, lequel s’est clôturé mardi 11 février à Paris, force est de constater que l’événement a exactement atteint l’objectif qu’en avait fixé l’Elysée : replacer la France, et dans son sillage l’Europe, au centre du jeu, face à l’hégémonie des acteurs de la tech américaine et chinoise dans le secteur clé de l’intelligence artificielle.
Un « sursaut » appelé de ses vœux par Emmanuel Macron, transformé durant deux jours en super VRP de la France, qui s’est traduit pour notre pays par l’annonce d’un plan d’investissements privés à hauteur de 109 milliards d’euros dans les prochaines années. Un montant « au même niveau » que le plan d’investissement “Stargate”, qui prévoit d’injecter 500 milliards de dollars dans l’IA, au regard de la taille et du poids économique des deux pays, avance le chef de l’État.
EN DIRECT | Clôture au Grand Palais de la première journée du Sommet pour l’action sur l’IA. https://t.co/DNXh9DChgf
— Élysée (@Elysee) February 10, 2025
Au total, les 109 milliards se décomposent entre l’investissement des Émirats arabes unis dans un centre de données géant (50 milliards), les 20 milliards d’euros du fonds canadien Brookeld Asset Management, un investissement de 10 milliards d’euros réalisé par l’entreprise britannique Fluidstack pour déployer en France le plus grand super calculateur au monde pour l’IA, et neuf autres investissements privés.
Digital Realty annonce 13 nouveaux data centers à Marseille et région parisienne
Parmi ceux-là, Digital Realty (ex-Interxion en Europe), plus grand fournisseur mondial de solutions de data centers, déjà bien implanté sur le territoire hexagonal, a annoncé à son tour, mardi 11 février, un plan d’investissement de 5 milliards d’euros, pour financer notamment 13 nouveaux data centers à Marseille et en région parisienne, afin de répondre à la demande croissante en infrastructures de haute performance nécessaires au développement de l’IA. « Grâce à la fiabilité de son réseau électrique et à la production d’électricité décarbonée de son parc nucléaire, la France dispose d’atouts uniques pour accueillir les capacités de calcul des modèles d’IA de dernière génération, souligne Fabrice Coquio, président de Digital Realty France. Nous nous réjouissons du fort soutien du gouvernement et de la présidence dans la prise en compte de ces enjeux pour la France. »
A l’image de Digital Realty qui, sur son campus marseillais, développe déjà quatre data centers, et un autre en construction, bénéficiant d’une solution innovante de refroidissement, le River Cooling, « trente fois plus économe en énergie qu’une solution de refroidissement classique », le Sommet pour l’Action sur l’IA a mis la lumière sur plusieurs autres projets en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui ambitionne de s’imposer « comme un acteur clé de l’IA en France, en Europe et dans le monde ».
Sesterce se place pour un supercalculateur, Accenture pour un centre d’IA générative, Evroc et Telehouse pour des data centers
Alors que Microsoft a déjà confirmé son investissement dans l’expansion de son site à Marseille pour soutenir le déploiement de l’IA, Sesterce (Marseille) a ainsi dévoilé lundi 10 février un plan d’investissement de 52 milliards d’euros en France, dont la construction d’un supercalculateur de 250 mégawatts en région Sud. Telehouse (Japon), leader mondial des data centers à forte connectivité, prévoit, lui, d’investir 400 millions d’euros en France pour mettre en service trois nouveaux data centers éco-responsables, dont un en région Sud. Accenture (Etats-Unis) a annoncé de son côté l’ouverture de deux centres d’IA générative à Paris et à Sophia-Antipolis au bénéfice des grandes entreprises et des pôles d’excellence académique et universitaire. Enfin, Evroc (Suède), start-up spécialiste du cloud, a choisi Mougins pour construire sa première usine d’IA en France, avec un data center de 96 mégawatts. Le projet prévu pour 2025 pourrait attirer des investissements allant jusqu’à 4 milliards d’euros à pleine capacité.
« Nous avons su créer en région Sud un environnement propice à la formation et à l’épanouissement des talents, au développement des technologies de pointe et, bien sûr, aux échanges internationaux qui nous permettent d’attirer les meilleurs chercheurs , ingénieurs et enreprises de l’IA, se félicite Bernard Kleynhoff, conseiller régional et président de risingSUD. Nous sommes fiers de soutenir et de voir grandir cet écosystème IA qui bénéficiera bientôt à l’ensemble de la société, que ce soit dans la santé, la sécurité, l’environnement, le sport ou encore le tourisme. »
Alors que France Digitale a identifié 40 start-up de l’IA en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Région Sud met, elle, en avant « 140 start-up et PME qui explorent aujourd’hui le potentiel de l’IA dans la santé, l’industrie ou encore l’environnement ». Et de pointer, parmi les levées de fonds « remarquables » dans les pepites françaises de l’IA, « celles, nombreuses, nées en région ».
Ainsi IADYS (Roquefort-la-Bédoule) qui a levé 10 millions d’euros en novembre 2024 pour poursuivre le développement de ses produits de robotique et d’IA pour la préservation de l’eau et ouvrir un bureau au Texas. Et puis Phocea DC, fournisseur de data centers souverains, de proximité et éco-responsable, qui a levé 5 millions d’euros en 2024 pour construire à Marseille un nouveau site proposant des solutions d’IA, inauguré en janvier 2025. Ou encore Volta Medical qui a levé 36 millions d’euros en 2023 pour développer depuis Marseille son logiciel d’IA destiné à aider les chirurgiens dans l’identification et le traitement d’arythmies cardiaques.
« Un écosystème performant et innovant » (Renaud Muselier, président de la Région Sud)
La Région Sud accueille également 14 laboratoires IA de leaders mondiaux tels que Accenture, IBM, SAP Labs France, mais aussi des centres de recherche de renommées internationales (Universités d’Aix-Marseille et Côte d’Azur, Eurocom à Biot, le CEA Tech à Cadarache et Nice, l’IA School à Marseille…) « Un intelligence artificielle utile à tous, à chacun des habitants de notre région, c’est possible, s’enthousiasme Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Grâce à un écosystème performant et innovant, autour de nos start-up, d’outils modernes et d’une offre de formation adaptée, les atouts sont là ! Avec le déploiement de notre plan IA, nous améliorons la qualité de notre service public et nous développons de manière sécurisée l’intelligence artificielle pour nos entreprises. »
Un vrai élan mais des divergences majeures
Cinquante-huit pays, dont les deux co-organisateurs de l’événement, la France et l’Inde, mais aussi la Chine ainsi que l’Union européenne et la Commission de l’Union africaine, sont parvenus à s’accorder dans une déclaration commune pour une IA « ouverte », « inclusive » et « éthique », en clôture du sommet pour l’Action sur l’IA, mardi 11 février, le troisième du genre après le Royaume-Uni et la Corée du Sud, et avant l’Inde qui accueillera le prochain.
Ces premiers signataires se sont ainsi prononcés pour une gouvernance de l’IA à travers « un dialogue mondial », et ont appelé à éviter « une concentration du marché » afin que cette technologie soit plus accessible. « Nous posons là les bases, à côté de l’innovation et de l’accélération, de ce qui va permettre à l’IA d’advenir et de tenir, c’est-à-dire les clés de la confiance », a insisté le président français, Emmanuel Macron, en conclusion du sommet qui se tenait au Grand Palais.
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« Rendre l’intelligence artificielle durable pour les populations et la planète » figure également parmi les priorités mises en avant, alors qu’un Forum pour une IA durable était organisée en parallèle, une première. A cette fin, la création d’un observatoire de l’impact énergétique de l’intelligence artificielle, piloté par l’Agence internationale de l’énergie, a été officialisée lors du sommet, ainsi qu’une coalition pour une IA durable, qui entend réunir les principales entreprises du secteur.
Une vision très éloignée de celle défendue par les Etats-Unis qui, comme le Royaume-Uni, ne figurent pas parmi les signataires de cette déclaration. A rebours d’une Europe voulant aller plus vite tout en définissant un cadre à l’essor de l’IA, le vice-président américain J.D. Vance, dont c’était le premier déplacement à l’international depuis la prise de fonctions de Donald Trump fin janvier, a mis en garde contre une « régulation excessive » de l’intelligence artificielle, qui « pourrait tuer une industrie en plein essor ». Appelant, a contrario, à « encourager les politiques pro-croissance » en la matière.
Une autre vision du monde qui met en lumière les questionnements et les divergences, sur fond de tensions géopolitiques, qui accompagnent l’essor puissant et inexorable de l’intelligence artificielle.
Et maintenant, le World Artificial Intelligence Forum à Cannes
Et de mettre en avant, également, ces acteurs « qui entretiennent la dynamique d’innovation en région » comme 3IA Côte d’Azur, lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt « IA-Cluster » France 2030 avec un investissement de 20 millions d’euros à la clé, la « Maison de l’intelligence artificielle » à Sophia-Antipolis, 700 m² dédiés à l’innovation et l’acculturation du grand public, ou encore le Laboratoire d’Intelligence Collective et Artificielle à Marseille, passerelle entre le monde de la recherche et les citoyens pour faire émerger « des projets de transition numérique collectifs, inclusifs et durables ».
Rappelons enfin que la région Sud accueille depuis plusieurs années le World Artificial Intelligence Cannes Forum dont la prochaine édition ouvrira dès demain et se déroulera du 13 au 15 février.
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