Après Gravithy, Carbon et H2V, c’est au tour du projet HyVence, porté par l’entreprise Géosel, de passer au crible de la concertation publique. Cette concertation se déroulera à compter du 27 mars prochain, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), avec deux garants : Ginette Vastel et Bernard-Henri Lorenzi. Une première grande réunion est prévue le 2 avril à 18h, à Fos-sur-Mer. La concertation se clôturera le 20 mai prochain.
Pour présenter cette étape, la direction de Géosel organisait une conférence de presse mardi 12 mars, à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Aix-Marseille. Objectif : démystifier le projet qui, il faut le dire, trimballe déjà son lot de critiques, notamment de la part d’associations environnementales mais aussi d’habitants des communes à proximité – Fos, Istres, Saint-Mitre-les-Remparts et Martigues. HyVence prévoit en effet de déployer une ferme solaire flottante de 500 hectares sur les étangs de Lavalduc et Engrenier, à laquelle s’ajoutera une usine de production d’hydrogène renouvelable située entre les deux étangs, sur la zone du plan d’Aren, à l’horizon 2029 (voir notre article précédent). « HyVence est le projet le plus compliqué pour la population car il se situe en dehors de la zone industrialo-portuaire. […] Ce qui peut être traumatisant, c’est que les 500 hectares de panneaux solaires seront posés sur l’eau … » reconnaît le maire de Fos, René Raimondi. S’il admet avoir eu des réticences au début du projet, l’édile estime aujourd’hui que le projet porté par Géosel s’avère « nécessaire et vertueux. »
Une grande marche prévue à l’appel du collectif « Sauvons nos étangs »
Les ateliers de préfiguration entre Géosel et les associations n’ont visiblement pas donné satisfaction à ces dernières. Le collectif « Sauvons nos étangs » appelle ainsi à une grande marche citoyenne dimanche 17 mars à 10h, au départ du chemin du plan d’Aren. Le collectif déplore non seulement l’impact sur les espaces naturels où seraient situés des habitations, avec l’implantation d’une usine classée Seveso mais aussi la proximité du site industriel avec le site archéologique de St Blaise.
Interrogés lors de la conférence de presse, la direction de Géosel comme le maire de Fos disent comprendre l’inquiétude mais invitent les citoyens à s’exprimer lors de la concertation publique. Concernant le classement Seveso, le directeur de Géosel affirme ne pas savoir quel sera le seuil accordé au projet et réitère l’objectif de contenir le risque dans l’usine.
« Préparer l’avenir dans un contexte de dépendance énergétique »
La direction de Géosel défend son projet, chiffres à l’appui : « HyVence va permettre de produire 15 000 tonnes d’hydrogène vert par an, soit 15% de la consommation actuelle d’hydrogène gros dans le bassin Fos-Marseille » argumente Charlotte Toutlemonde, directrice du projet. Sur l’aspect environnemental, Géosel maintient que la vocation industrielle des deux étangs depuis des années a rendu le développement de la biodiversité quasi-impossible. Pour appuyer ce propos, une vidéo est diffusée au cours de la conférence de presse pour retracer l’histoire des bassins, exploités dès le siècle dernier pour la production de soude, utilisée dans la conception des savons de Marseille. S’est ensuite ajoutée la saumure rejetée par Géosel, issue de cavités de sel autour de Manosque, que l’entreprise a vidées pour stocker des hydrocarbures (voir notre précédent article). « Il nous faut préparer l’avenir, dans un contexte de dépendance énergétique. Les besoins en énergie vont augmenter. Si on ne la produit pas ici, elle sera produite ailleurs, dans de moins bonnes conditions », ajoute Karim Benbrik, directeur général délégué de Géosel. Un point de vue partagé par le président de la CCI Aix-Marseille, Jean-Luc Chauvin qui veut rester dans la course en matière industrielle à côté d’autres grands ports comme Dunkerque et Le Havre : « Il ne faut pas opposer croissance et écologie. Nous sommes en train de vivre un momentum exceptionnel, avec une démultiplication des projets.»
Malgré tout, l’entreprise se dit prête à faire évoluer le projet en fonction des résultats de la concertation. Plusieurs scenarii ont d’ores et déjà été élaborés pour la disposition des panneaux solaires, leurs couleurs, afin d’impacter au minimum le paysage (voir les images ci-dessous, qui seront présentées dans le cadre de la concertation publique), en collaboration avec l’école nationale du paysage (ENSP Marseille). « A la manière d’un vitrail ou inspiré d’une mosaïque antique » illustre même le directeur de Géosel. La conception de l’usine aussi doit faire l’objet d’un travail visuel pour se fondre dans le paysage. Le projet se chiffre à 700 millions d’euros au total – financés à la fois par l’actionnariat, des fonds publics et de la dette – et doit générer la création d’une trentaine d’emplois et 400 en phase de chantier.
Comme les autres projets industriels dans la zone de Fos, HyVence nécessitera un raccordement électrique par RTE, avec une ligne de 225 000 volts, qui sera enfouie sous terre. Le tracé n’est pas encore défini. En effet, si HyVence ambitionne de produire grâce à ses panneaux solaire l’électricité nécessaire à la fabrication d’hydrogène vert, l’usine nécessitera malgré tout de l’électricité pour son fonctionnement. Mais avec la production de 800 gigawattheures par an, compte tenu de l’ensoleillement, soit « 5% de la production électrique de la région Provence-Alpes-Côte d’azur », dont une partie pourrait être réinjectés sur le réseau en cas de surplus, Géosel estime être neutre dans sa consommation énergétique. Mais il ne s’agit pour l’instant que de projections …
Beaucoup de flou persiste donc autour du projet HyVence, notamment concernant le choix des technologies ou du fournisseurs pour les panneaux solaires – Karim Benbrik dit vouloir faire fonctionner l’économie local et n’exclut pas des synergies avec le projet Carbon – ou encore des incertitudes sur les techniques de production hydrogène. La concertation doit permettre d’éclaircir ces points.
En savoir plus :
> Le site d’Hvence pour plus d’informations
> Le site de la concertation pour HyVence
> Projet HyVence à Fos : comment Géosel veut produire de l’hydrogène vert
> HyVence (Fos) : le photovoltaïque flottant se met au service de l’hydrogène
> [Energie] Géosel (Manosque), gardien méconnu des réserves stratégiques françaises de pétrole – Gomet’
> Notre dossier sur les projets industriels à Fos