Une page d’histoire se tourne à Aix-en-Provence. Après le père et la mère, la fille Sophie Joissains s’assoit à son tour dans le fauteuil de maire. Pour cette intronisation, la grande salle de la bibliothèque Méjanes est en effervescence. Le public de ce vendredi 24 septembre n’est pas composé des spectateurs habituels. Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, le parti de la nouvelle édile, a fait tout spécialement le voyage depuis Paris. Le président de la Région Sud, Renaud Muselier, toujours convalescent du Covid, a également répondu à l’appel de son « amie » : « J’étais couché. Sophie me téléphone et me dit ça me ferait plaisir. J’ai dit je viens. On est très ami depuis longtemps », explique-t-il. Enfin, plusieurs maires du pays d’Aix et celui de Salon-de-Provence, Nicolas Isnard, ont également assisté à ce conseil municipal exceptionnel.
L’opposition refuse de participer à « la mascarade »
Sans surprise, Sophie Joissains est donc élue maire d’Aix-en-Provence en lieu et place de sa mère démissionnaire. Elle remporte au final 38 voix sur les quarante de sa majorité avec un blanc et une absente. De son côté, l’opposition refuse de participer. Juste avant le début du vote, la marcheuse Anne-Laurence Petel et le socialiste Marc Pena ont quitté la salle accompagné des conseillers d’opposition. Devant la bibliothèque, le groupe Aix en Partage attend les journalistes avec des pancartes « Joissains I, Joissains II, Joissains III », « Aix n’est pas une principauté » ou encore « La démocratie, pas la dynastie ». Un geste symbolique pour dénoncer le passage de témoin : « Elle n’a pas fait de campagne électorale, elle n’est pas tête de liste. Après vingt ans de règne, c’est une transmission héréditaire digne d’une monarchie », s’emporte Marc Pena. Plus encore que Sophie Joissains, c’est Maryse que le socialiste vise : « Elle a menti aux aixois, estime-t-il. Elle leur a dit qu’elle resterait tout le long du mandat. Et elle a menti une deuxième fois sur sa situation judiciaire. Elle clame son innocence, c’est son droit. Mais en réalité, elle est déjà condamnée. C’est simplement un problème de forme avec une peine qui n’était pas appropriée à sa condamnation », insiste l’élu. Pour rappel, Maryse Joissains a été condamnée à huit mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics par la cour d’appel de Montpellier. La cour de cassation doit donner son avis définitif sur le jugement mercredi 29 septembre.
De son côté, Anne-Laurence Petel, dénonce « une mise en scène à la nord-coréenne, une mascarade ». Elle réclame la démission du conseil municipal pour organiser de nouvelles élections : « On ne gagne sa légitimité que par le combat dans les urnes », affirme-t-elle. Une proposition non suivie ni par les socialistes, ni bien sûr par Sophie Joissains : « Mme Petel ne connaît pas la loi et j’aurais le plaisir de l’affronter en 2026 », répond la nouvelle maire se projetant déjà sur une carrière de long terme. Et Renaud Muselier de défendre sa protégée : « Si l’opposition n’était pas d’accord, ils n’avaient qu’à se présenter contre elle. C’est comme cela que marche la démocratie. Leur sortie n’est qu’une posture indigne », conclut-il.
Les larmes de la maire
Pendant que l’opposition bouillonne à l’extérieur, l’ambiance est plus solennelle dans la salle Mejanes. Si la majorité a salué l’élection de la nouvelle maire par une standing ovation, les accolades et embrassades sont ponctuées d’une grande émotion. Dans son discours d’investiture, Sophie Joissains a même les larmes aux yeux : « J’espérais de tout mon coeur qui si j’étais un jour élue maire, ce serait un jour fort, beau, plein d’allégresse. C’est effectivement un jour très fort mais profondément douloureux », regrette-t-elle. Peut-être aurait-elle aimé avoir sa mère à ses côtés mais l’état de santé de cette dernière l’en empêche. « Les dernières nouvelles sont tout de même positives », rassure le premier adjoint Gérard Bramoullé. Malgré sa démission, Maryse Joissains reste toujours pour l’instant membre du conseil municipal. Elle récupère même le poste de deuxième adjoint de sa fille. Celle qui a dirigé Aix pendant vingt ans ne sera jamais loin mais « Sophie n’est pas Maryse », prévient Marc Pena. Elle doit maintenant faire ses preuves et endosser le costume de maire de la deuxième ville du département. Une tâche loin d’être évidente pour Marc Pena : « Je ne pense pas que Sophie Joissains ait la légitimité et la force politique de sa mère et dans quelques temps, selon comment ça se passe, on pourrait voir apparaître des divisions dans le clan de droite », prévient le socialiste.
La réaction de Sophie Joissains face à la presse :
La réforme métropolitaine, le prochain défi de la maire d’Aix
Pour décrire sa mission, Sophie Joissains parle de « renouveau dans la continuité » : « Notre maire a fixé un cap et il sera maintenu. Ensuite, nous devons faire face à de nouveaux défis sur le développement durable, la fracture numérique ou encore les problèmes d’urbanisme. C’est en s’adaptant à ces défis qui se présenteront que le renouveau interviendra », précise-t-elle. En toile de fond, l’un des grands dossiers qui se profile est la réforme métropolitaine relancée par le Président de la république lors de sa venue à Marseille. Sophie Joissains conserve d’ailleurs son mandat de première vice-présidente de la Métropole en charge de la réforme, tout comme celui de vice-présidente en charge de la culture à la Région. Interrogée à ce sujet, elle reste sur la même ligne : « Les conseils de territoire sont nécessaires et il est hors de question d’amputer les communes d’une part de leur budget ». Par contre, les relations semblent se réchauffer avec Marseille et notamment avec son nouveau maire Benoît Payan : « Pour la première fois, de façon séculaire, nous avons des intérêts communs », avance-t-elle. De son côté, Renaud Muselier préfère rester en dehors de ces débats houleux : « Je ne me mêle pas de la gouvernance des autres. Ils ne se mêlent pas de la mienne ». Mais il ajoute cependant vouloir « faciliter la démarche positive entamée par le Président de la République pour la deuxième ville de France ». Et lui aussi l’assure : « Je m’entends très bien avec M. Payan ». Décidément, depuis la visite du Président de la République, le maire de Marseille n’a que des amis.
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