Le projet de dérivation d’une partie de l’eau du canal EDF qui débouche sur l’étang de Berre à Saint-Chamas avance. Les Etats régionaux de l’eau qui se déroulaient à l’hôtel de la Région Sud jeudi 8 juin 2023 ont été l’occasion de confirmer et de préciser les contours de ce projet gigantesque. La mission d’étude a été confiée à l’ancien député Olivier Darrason (13e circonscription d’Istres à Martigues), aujourd’hui spécialiste de sécurité internationale et engagé dans le comité d’investisseurs de Méditerranée du futur, l’événement organisé chaque année par la Région.
La mission a été lancée dans le sillage du travail du groupe parlementaire, constitué en 2019 avec les députés Jean-Marc Zulesi, Eric Diard et Pierre Dharréville, et consacré à la réhabilitation de l’étang de Berre. Une feuille de route de travaux avait été définie à l’automne 2021 dont la réalisation d’une étude sur la réalisation d’un ouvrage de dérivation des eaux du canal EDF pour récupérer et réutiliser l’eau douce jusqu’à présent rejetée dans l’étang à l’eau salée, provoquant des désordres écologiques majeurs depuis des décennies.
Projet de dérivation du canal EDF :« un changement de paradigme»
Devant un parterre d’élus et de décideurs publics et privés, réunis par le président de la Région Renaud Muselier, Olivier Darrason rappelle d’abord « que la solution de dériver l’eau douce après la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas avait été évoquée dès le départ dans les années 90 mais jugée bien trop onéreuse. »
Or la situation a changé compte tenu des nouvelles priorités et besoins en eau à l’heure du changement climatique accéléré. Ce qui était considéré comme hors de portée, en matière de financement notamment, devient possible car les moyens mis en place pour préserver la ressource en eau et son potentiel énergétique augmentent tandis que les besoins ne fléchissent pas.« Du fait de la crise énergétique et donc de la revalorisation du prix de l’énergie, et du fait également du stress hydrique qui fait que les usages de l’eau et les besoins en eau sont considérables, il y a un changement de paradigme» observe M. Darrason.
« C’est la raison pour laquelle sous l’autorité conjointe du président de Région et du préfet, il a été demandé que nous étudions quel pouvait être le financement possible de ce type d’ouvrage. L’évaluation a été faite très sérieusement à la fois par les services de l’Etat, ceux de la Région et d’EDF, par des cabinets spécialisés.» Résultat : le coût estimé des travaux de dérivation des eaux du canal EDF atteint« un milliard d’euros pour un chantier qui pourrait s’étaler sur une dizaine d’années.»
« Nous avons une solution qui est très intéressante en matière d’infrastructures» affirme l’ancien homme politique, devenu un spécialiste des questions de défense et de sécurité, évoquant plusieurs atouts :
L’intérêt écologique de l’équipement :« la diminution du nombre de mètres cubes d’eau douce déversés dans l’étang de Berre pour le diviser par quatre» par rapport au niveau de 1992, mais aussi l’impact sur les limons,« cette terre charriée par le canal de la Durance qui pourra être récupérée et réutilisée y compris pour la Camargue pour diminuer l’avancée de la mer et donc du sel.»
L’intérêt énergétique : la dérivation, elle-même exploitée par EDF pourrait générer« l’équivalent énergétique d’un quart de réacteur nucléaire» explique l’ancien élu.
L’intérêt économique : on va à la fois récupérer l’eau pour l’agriculture, notamment pour la nappe phréatique de La Crau (stock de 430 millions de m3 d’eau contre un apport lié au projet de« 1,8 à deux milliards de m3»).« Récemment, le foin de Crau n’a pas eu sa première récolte» alerte l’ancien député.« Cette eau va aussi servir à l’industrie. De plus en plus, sur le bassin de Fos, où il y a de grands projets énergétiques et de grands projets industriels, il y a un manque d’eau important. Et ce projet servira aussi à l’eau domestique.»
Un comité de financement mis en place
Un comité de financement a été mis en place pour trouver les moyens.« Nous discutons avec la Banque européenne d’investissement (BEI) avec qui nous avons eu déjà trois ou quatre réunions» confie Olivier Darrason.« Des discussions sont également en cours avec des investisseurs potentiels et avec EDF. L’électricien pourrait investir dans le projet ce qu’il va gagner en énergie supplémentaire et donc en chiffre d’affaires». Le « Pliff » (PAMEx locally investment facility) lancé lors de la Cop 27 en Egypte en 2022 pourrait être également mis à contribution.
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En conclusion de son intervention sur la dérivation du canal EDF de St Chamas, Olivier Darrason assure que ce projet n’est pas mené« au hasard.» Entre« les subventions, y compris européennes, les investisseurs qui y ont un interêt, l’industriel (EDF) il y a la chance de concrétiser ce projet d’infrastructures considérable qui donne plus d’eau, plus d’énergie, plus de Camargue et plus d’étang.»