Baisse spectaculaire des narchomicides et des points de deal, hausse des saisies et des interpellations, mais aussi report du trafic sur le centre-ville et sur les livraisons, et réseaux de plus en plus jeunes : c’est un bilan très contrasté de lutte contre le narco-bandistisme qu’ont présenté mardi 21 janvier, au tribunal judiciaire de Marseille, Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille, et Pierre-Edouard Colliex, préfet de police des Bouches-du-Rhône.
Un chiffre, d’abord. Après une année 2023 tristement record et conclue dans un bain de sang (49 morts à Marseille et alentours), les assassinats liés au trafic de drogue ont diminué de moitié en 2024, s’établissant à 24 morts, dont quatre mineurs.
Narco-banditisme à Marseille : le nombre de “narchomicides” divisé par deux
Une baisse spectaculaire qui s’expliquerait par plusieurs phénomènes. A la fois structurels, d’abord par l’action « proactive » de la police judiciaire, qui a permis d’arrêter plusieurs commandos de tueurs à gages, ainsi que par des « mesures coercitives adaptées » d’isolement carcéral de potentiels commanditaires. Mais aussi conjoncturels, avec la fin de la guerre meurtrière que se sont livrés en 2023 les clans DZ Mafia et Yoda.
Alors que plus de 1000 armes ont été saisies en 2024 (540 armes d’épaule et 466 armes de poing) et 3400 trafiquants interpellés pour l’ensemble des Bouches-du-Rhône (+40% par rapport à 2023), ce sont 2000 personnes qui sont actuellement mises en examen par les magistrats marseillais pour des infractions liées aux stupéfiants, dont 830 placées en détention provisoire. Parmi elles, un peu plus de 200 sont en attente d’un procès pour leur implication présumée dans un assassinat.
Dix tonnes de cannabis, 487 kg de cocaïne et 40 millions d’euros saisis
Autre chiffre mis en avant par les autorités, une baisse très sensible du nombre de points de deal. La cité phocéenne en compterait 84 actuellement, soit 29 de moins qu’un an auparavant et près de moitié moins que trois ans plus tôt (161 en 2021). Une tendance que l’on retrouve au niveau du département : 111 points actifs actuellement contre 222 en 2021. Les saisies de cannabis se sont, elles, maintenues au niveau « exceptionnel » de 2023, avec 10,01 tonnes saisies, contre 10,3 en 2023, en nette hausse par rapport à 2022 (5,5 tonnes). Idem pour les saisies de cocaïne : 487 kg en 2024, contre 514 kg un an plus tôt et 245 kg en 2022.
A noter que, parallèlement, ce sont 40 millions d’euros d’avoirs criminels qui ont été saisis, la lutte contre le blanchiment d’argent étant devenue « une priorité ».
La flambée du phénomène des narco-livraisons
Revers de la médaille, cette pression accrue, ciblée sur les quartiers Nord, a créé « un phénomène de déplacement » vers le centre-ville et le sud. Deux secteurs policiers qui sont chacun passés de 500 à 1000 interpellations entre 2023 et 2024. Autre effet de ce harcèlement des points de deal : l’accroissement des livraisons à domicile, type “Ubershit ou coke”. Sur ce volet des narco-livraisons, les service de police et gendarmerie ont réalisé 121 affaires en 2024, pour 178 personnes interpellées, 209 kg de cannabis et 163 000 euros saisis. Un bilan extrêmement modeste au regard de la flambée du phénomène.
Autre constat inquiétant, celui de réseaux de plus en plus jeunes. En 2024, 512 mineurs ont été déférés par le tribunal pour enfants de Marseille pour des faits liés au trafic de stupéfiants. Soit la moitié de la délinquence des mineurs.
Une nouvelle loi et des renforts
Alors que le Sénat examine à partir de ce mercredi 22 janvier une proposition de loi très attendue des magistrats et des policiers pour élargir leur « arsenal législatif » face à ce que Nicolas Bessone et Pierre-Edouard Colliex décrivent comme une forme de « narcoterrorisme » qui gagnerait peu à peu la deuxième ville de France, « gangrénée » par le trafic de drogue, des moyens supplémentaires sont également annoncés. Vingt-cinq enquêteurs, dont 15 spécifiquement affectés à la lutte contre les trafics et 10 à la lutte contre la criminalité organisée, sont ainsi attendus en 2025, en plus de vingt militaires affectés à la Section de recherches et dédiés à la lutte contre le crime organisé. Un second scanner des douanes est par ailleurs arrivé en décembre 2024 sur le bassin est du port de Marseille-Fos.
Liens utiles :
> A Marseille, les ministres promettent un renforcement des moyens contre le narcotrafic
> Bloc-Notes : le narcotrafic gangrène Marseille
> Commission d’enquête sur le narcotrafic : « une vertigineuse promenade au bord du gouffre »