La carte politique de Marseille vient de changer. Radicalement ! S’il y a toujours et depuis longtemps, un nord et un centre à gauche, un est à l’extrême droite et un sud plutôt à droite, les frontières délimitent maintenant des territoires transformés et chahutés.
Jean-Luc Mélenchon réussit son OPA sur la gauche marseillaise
Jean-Luc Mélenchon a réussi totalement son OPA sur la gauche marseillaise. Même le premier arrondissement, dont il fut un député plus que sporadique, lui donne une majorité absolue de 56,6 % et il dépasse aussi la majorité absolue des suffrages dans le XVe et le IIIe. Il est en tête sur Marseille globalement à plus de 31% des voix. Il a capté par sa présence, par son discours talentueux et radical, par son amour de Marseille et de la Méditerranée, rappelé avec lyrisme dans sa dernière intervention télévisée, les voix du Printemps marseillais. Contrepartie mathématique : le parti socialiste fait ici un score plus que dérisoire avec 1,1 %. Le parti, celui du maire actuel Benoît Payan, qui a structuré la vie politique de la deuxième ville de France depuis la Libération, a disparu du champ politique.
Le Parti Communiste qui avait encore une structure militante et des leaders fait à peine mieux avec 2%. Yannick Jadot préserve avec 4% un petit pré-carré des écologistes. Enfin, le score de Marine Le Pen, repoussée en troisième position, est plus la résultante de la scission zemmourienne que d’un recul des idées d’extrême droite qui totalisent 33% (contre 23% en 2017) des électeurs. Malgré le ralliement du sénateur Stéphane Ravier, Éric Zemmour n’a pas séduit Marseille, même s’il fait ici avec 11% mieux que son score national.
Le RN a néanmoins tenu bon et Marine Le Pen a réussi à « mégrétiser » son opposant, qui lui a rendu le service inestimable de démontrer qu’il y avait plus à l’extrême droite qu’elle.
Emmanuel Macron s’implante et siphonne Les Républicains
Emmanuel Macron a fait de Marseille le laboratoire de son projet de deuxième mandat. Il est venu, il est revenu, il a déployé des projets longtemps embourbés, il a mis au pli les institutions et il a engagé ici la réforme de l’Education nationale qui l’appelle de ses vœux avec l’expérimentation locale et l’autonomie des établissements. Il l’a fait sur un territoire plutôt ingrat. En 2017, nous l’avions rappelé, il faisait un score bien inférieur à ses chiffres nationaux, le pays d’Aix en revanche apparaissait d’emblée comme une terre d’élections. La suite des élections locales phocéennes allait de Charybde en Scylla pour ceux qui se réclamaient de la Macronie.
Il y a donc un effet « Marseille en grand » dans les votes des Marseillais qui placent Emmanuel Macron en seconde position sur l’ensemble de la ville avec 22,62 % des voix. Le président sortant arrive en tête dans le XIIe, dans le VIIe, dans le VIIIe et dans le IXe… des terres gaudinistes.
A l’image du PS, l’autre traditionnel grand parti de gouvernement, Les Républicains, est laminé : Valérie Pécresse est à 3%. En 2017, François Fillon avait réalisé 19,81% sur l’ensemble de la ville. Dans le 8e arrondissement, fief de la droite classique durant des décennies, Valérie Pécress dépasse à peine les 5%…
Au moins trois implications locales
Ce premier tour aura au moins trois implications locales. D’abord la situation de Benoît Payan devient plus inconfortable : il doit diriger une ville acquise à des idées radicales, en s’appuyant sur le soutien indispensable d’un président libéral. Mais le paradoxe est que, sans que cela se traduise de façon partisane, Emmanuel Macron se lance à lui-même le défi de réaliser à Marseille un « en même temps » audacieux : faire travailler ensemble des héritiers de Gaudin et les électeurs de Mélenchon.
Le second défi qui arrive après le second tour sera celui des législatives. L’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon est en panne de leaders locaux. Le non-cumul des mandats fait que, les plus en vue des militants de la gauche doivent tenir leur poste à la mairie et à la métropole. Comment vont se répartir les 35% du total des voix de gauche et parviendront-ils à faire émerger un ou des députés ?
Enfin, il reste la partie la plus délicate pour la majorité présidentielle : désigner sur Marseille, ses huit candidats en laissant de la place aux nouveaux alliés venus de la droite sans perdre ses bases sociales et politiques. Gageons que les discussions seront âpres, qu’elles seront tranchées au plus haut niveau et que la liste ne tombera qu’à la dernière minute du dépôt des candidatures.
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