Ancien directeur général des services (DGS) de la Ville de Marseille, Didier Ostré est arrivé en janvier 2024 à la tête de la société publique locale (SPL) MIN Marseille Méditerranée qui gère le marché d’intérêt national (MIN) des Arnavaux et celui de Saumaty. Juste avant son arrivée, le MIN a changé de statut, passant d’une société d’économie mixte (la Somimar) à une gestion sous forme de délégation de service public par une société publique locale dont les actionnaires sont la Métropole Aix-Marseille Provence (95%) et la Ville de Marseille (5%).
En même temps, le “ventre de Marseille”, qui alimente restaurants et autres commerces de bouche de la ville, doit se moderniser pour faire face à la concurrence du privé. Didier Ostré détaille pour Gomet’ les différents projets en cours.
Vous êtes arrivé à la tête du marché d’intérêt national (MIN) en janvier dernier. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Didier Ostré : Notre première tâche a été de dresser la feuille de route de la société. Un certain nombre de projets ont été mis sur les rails pour venir structurer l’activité. Notre cœur de métier, c’est l’agro-alimentaire, et la mise en avant de produits locaux. Pour mettre davantage en valeur cette activité, nous avons revu notre stratégie commerciale. Par exemple, nous sommes en train de créer notre plateforme de vente digitalisée. Le MIN s’inscrit dans un secteur concurrentiel, avec la présence de concurrents privés comme Metro, Pomona ou encore France Gourmet qui, tous, disposent d’une marketplace en ligne.
Or le MIN et resté sur un mode de fonctionnement très traditionnel, avec des horaires d’ouvertures de 3h à 10h du matin. Ce n’est pas suffisant. Nous devons donc nous mettre à la page, même si notre différence se joue sur la dimension locale des produits et le contact humain tissé sur le carreau des producteurs.
Justement, ne craignez vous pas que le lancement d’une plateforme de vente vous enlève ce lien direct entre vendeurs et acheteurs ?
D.O : Non car nos clients et acheteurs auraient aussi bien pu aller chercher cette vente en ligne chez nos concurrents, or ils ne l’ont pas fait. Notre objectif, c’est d’attirer une nouvelle manne, que nous ne touchons pas aujourd’hui. Cette plateforme ne sera pas mise en service avant fin 2025. Il y aura d’abord une phase de test avec les vendeurs et acheteurs volontaires. Pour l’heure, nous sommes encore en phase de consultation pour trouver un prestataire qui développera l’outil. Nous avons également le projet d’implanter des drive : deux à l’extérieur de la ville, et un autre en cœur de ville pour permettre aux acheteurs de récupérer leur marchandises.
Quels sont vos autres projets de développement ? Quid du projet Minopolis lancé sous votre prédécesseur, Marc Dufour ?
D.O : Sur Minopolis, le travail se poursuit : ce projet doit permettre d’accroître la surface du MIN des Arnavaux, qui s’étend aujourd’hui sur 23 000 m2, de 100 000 m2. Nous aurons donc à terme une surface globale de 123 000 m2 qui nous permettra d’accueillir beaucoup plus de monde, ainsi qu’un hôtel de logistique urbain pour stocker les marchandises.
En effet, le MIN est situé à la lisière de la Zone à faibles émissions (ZFE), les camions ne pourront bientôt plus circuler dans le centre de Marseille. Il faudra donc qu’ils laissent leur marchandise sur le MIN. Celle-ci sera ensuite acheminée au moyen de mobilités douces, plutôt des véhicules utilitaires légers, soit électriques, soit à hydrogène.
Quel est le calendrier ? L’ancien directeur, Marc Dufour, estimait que sa concrétisation n’allait pas assez vite (voir notre article)…
D.O. : En juin 2025, nous aurons clôt l’ensemble des études que nous menons. Il faudra ensuite le soumettre à la concertation publique, étant donné qu’il s’agit d’un projet structurant pour le territoire, qui va générer d’importants travaux et l’acheminement de 200 camions supplémentaires par jour vers le MIN… Il va donc nous falloir proposer de nouvelles entrées et sorties du MIN. Nous envisageons une nouvelle porte du MIN au niveau de la L2.
L’Etat nous demande aussi de mettre en place une connexion ferroviaire, ce qui pourrait se faire au niveau de Sainte-Marthe, jusqu’où s’étend la zone du MIN. Bien que je comprenne l’impatience de mon prédécesseur, il est normal qu’un projet de cette envergure prenne du temps. La concertation débutera en 2026 et le premier coup de pioche ne sera pas donné avant 2028. Entre temps, nous allons également lancer une étude pour évaluer le nombre de nouveaux emplois que ce projet va générer.
Quels sont les autres enjeux de ce projet ?
D.O : La difficulté principale est qu’il faudra le mener tout en maintenant l’activité. Lors du dernier conseil métropolitain, la Métropole a autorisé le MIN à entrer en discussion avec des propriétaires de bâtiments situés dans l’enceinte du MIN des Arnavaux.
En effet, au fil du temps, des entreprises ont eu la possibilité de construire leurs propres locaux dans l’enceinte même du MIN, bien que le foncier soit public. Nous souhaitons racheter six bâtiments au total sur les Arnavaux. Cela nous permettra ensuite d’opérer un jeu de chaises musicales : lorsque les travaux débuteront pour reconstruire la halle des grossistes, ces derniers pourront s’installer dans un autre bâtiment en attendant. Une fois les discussions avec les propriétaires achevées, la Métropole pourra acheter ces bâtiments.
Quels sont les projets sur le MIN de Saumaty, qui concentre les activités liées à la pêche ?
D.O. : Concernant la pêche, l’objectif est de continuer à nous approvisionner en marchandises. Or, pour cela, nous avons besoin de plus de pêcheurs. Nous travaillons avec le comité régional des mers en ce sens, par exemple sur la création d’une coopérative de pêcheurs et d’accès facilité pour s’amarrer. Ensuite, si nous voulons continuer de les accueillir, il faut maintenir la profession à flot et s’intéresser pour cela à la formation des pêcheurs. Nous travaillerons avec le comité des mers pour proposer une formation.
Enfin, sur Saumaty comme sur les Arnavaux, il faut que nous soyons en capacité de transformer les marchandises : ce peut être simplement de prédécouper du poisson ou de mettre des légumes en conserve, pour mieux vendre. Cela peut permettre également de valoriser la production, par exemple pour les légumes mal calibrés. Les bâtiments achetés doivent justement en partie servir à dédier des locaux à cette transformation.
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