Dans sa veste de costume rouge, le sourire jusqu’aux oreilles, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, fait son premier déplacement officiel à Marseille. Après un dimanche passé au Mucem et à la réplique de la Grotte Cosquer, la voici ce lundi 9 janvier au pôle média Belle de Mai. Un lieu symbolique pour l’industrie créative marseillaise où la série « Plus Belle la vie » a été tournée pendant 18 ans. Nommée en mai 2022 par le président de la République, la ministre pose les premières bases concrètes du volet cinéma de « Marseille en grand », un plan historique annoncé par Emmanuel Macron en septembre 2021.
L’État s’engage à financer quatre projets à hauteur de 22,5 millions sur trois ans au Nord de Marseille : une école publique la CinéFabrique, une antenne de la Cinémathèque, une plateforme logistique et la rénovation du pôle média. Autant d’éléments qui doivent servir de socle à la volonté présidentielle de créer« les grands studios de la Méditerranée.» D’autres financements viendront dans un second temps, fléchés sur les infrastructures de tournage, au printemps 2023, à l’annonce des lauréats de l’appel à projets« la grande fabrique de l’image» du Centre national du cinéma (CNC).
Depuis son bureau de conseillère Culture à l’Élysée, RimaAbdul Malak a beaucoup œuvré pour « structurer la filière » et « fédérer un arc méditerranéen » autour du cinéma dans le plan Marseille en grand en 2021. « Ce n’est un secret pour personne, Marseille vous doit ce plan pour la culture», reconnaît Benoît Payan, le maire de Marseille. Pour identifier les priorités, plusieurs personnalités politiques ont donné leur avis, comme la députée Renaissance Sabrina Agresti-Roubache, elle-même productrice de cinéma, qui « a défendu ce projet bec et ongles», confie la ministre.
La CinéFabrique : une école pour« fabriquer des techniciens »
L’école CinéFabrique à Marseille, financée pour 15 millions d’euros, est le premier projet phare du plan. Ce n’est pas au hasard que la ministre visite, en premier lieu, les locaux provisoires de cette nouvelle école au 37 rue Guibal (3e) mis à disposition par la ville de Marseille. Les travaux de remise aux normes de ce grand équipement, estimés à sept millions d’euros, seront pris en charge pour 1,5 million d’euros par l’Etat. La CinéFabrique, école nationale supérieure de cinéma, est un établissement public d’enseignement supérieur français destiné à former des jeunes étudiants entre 18 et 25 ans dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Pour cette première rentrée en septembre 2022, les étudiants ont intégré une Classe d’orientation et de préparation (COP) d’un an gratuite et non diplômante pour s’initier aux diverses pratiques liées à l’audiovisuel, au spectacle vivant et aux arts visuels en général.
Son directeur, Claude Mourieras, accompagne la ministre pour rencontrer la promotion de 19 étudiants. Le réalisateur est à l’initiative de la première CinéFabrique imaginée à Lyon en 2015 pour un accès plus inclusif aux métiers du cinéma. Autour d’une grande table disposée en U,RimaAbdul Malak se prête facilement à l’exercice et met les étudiants à l’aise. Son expérience se ressent. Au début de sa carrière, la franco-libanaise a notamment dirigé les programmes de Clowns sans frontières, une association internationale de soutien, par le rire et le spectacle, aux populations victimes de crises humanitaires, .
La plupart des étudiants ont été orientés vers la CinéFabrique via des organismes tels que les Apprentis d’Auteuil, l’Ecole de la deuxième chance ou Lieux fictifs, une association de réinsertion des jeunes incarcérés aux Baumettes. Sur les bancs de l’école, Walid, un étudiant au parcours difficile espère devenir ingénieur lumière au cinéma. Et ne manque pas de se faire remarquer auprès des élus :« Si vous avez besoin, et ben je suis là !», s’amuse-t-il. Cette école serait ainsi« une usine à fabriquer des techniciens pour les industries créatives», observe Sabrina Agresti-Roubache.
Une« grande citéméditerranéenne du cinéma» au Dock des Suds
Si la création de l’école était déjà inscrite au programme culturel de la Région Sud, son président a poussé pour l’intégrer au plan de financement Marseille en grand. D’une pierre deux coups,Renaud Muselier a proposé que le Dock des Suds devienne l’écrin d’une« grande cité méditerranéenne du cinéma méditerranéen» à la suite de plusieurs concertations avec Euromediterranée, l’établissement public propriétaire du bâtiment. Et l’élu le réaffirme lors de la signature du protocole d’engagement entre l’État et les collectivités le 9 janvier.
Le ministère de la Culture a retenu son idée pour installer la CinéFabrique et l’antenne de la Cinémathèque française à horizon fin 2026, début 2027. A une condition : la Région Sud a dû s’engager à financer une partie du projet pour 500 000 euros. « Ce serait une bonne idée de conserver le nom du Dock des Suds», glisse la ministre à Gomet’, déjà confrontée à l’exercice de transformation d’un site en 2011, en tant que conseillère de l’adjoint à la culture auprès du maire de Paris, à l’occasion de la réouverture de la Gaité Lyrique.
Si nous connaissons le lieu de cette future Cinémathèque, son financement de cinq millions d’euros et son président, le réalisateur Costa Gavras, ses contours restent encore flous. Interrogé en septembre, l’adjoint à la Culture de la Ville de Marseille, Jean-Marc Coppola évoquait plusieurs réunions menées entre les associations de Paris et Marseille. Mais depuis, silence radio.« On y travaille», sourit l’élu communiste dans les pas de la ministre, reconnaissant implicitement le rôle mineur de la municipalité dans le dossier.
Studios et plateforme logistique : des infrastructures pour accélérer la compétitivité
Autre volet des annonces de Rima Abdul Malak : la confirmation de l’installation d’une grande base logistique au 56 boulevard du Capitaine Gèze dans le 14e arrondissement (lire notre article). Les travaux seront financés pour un million d’euros dans le cadre du plan et s’achèveront en septembre 2023.« Il faut investir dans la logistique pour rester compétitifs à l’international», souligne la ministre.
Pour rester compétitifs, vis-à-vis de la région voisine l’Occitanie (Tournages sur Sète et Montpellier) et de l’international, il semble important de créer de nouveaux studios. Pour ce faire, la députée Sabrina Agresti-Roubache relève le besoin de s’adapter aux gros donneurs d’ordres comme Netflix, Amazon et France Télévisions.« Il faut des lieux pour fabriquer du contenu car on ne tourne plus comme avant… On ne peut plus bloquer des routes, les tunnels. Les milieux urbains deviennent hostiles à la production », explique l’élue. Dans les faits, il n’y aura sans doute pas un grand studio en situation de monopole dans le Sud, mais un réseau de studios pour structurer la filière. Ce morcellement est également dû à la pénurie de foncier sur de grands espaces.
En marge de sa rencontre avec les étudiants de Koutrajmé, la ministre a rappelé le milliard d’investissement fléché par France 2030 pour développer les industries créatives, dont une partie du budget – 350 millions d’euros – financera les studios de tournage via l’appel à projets du CNC. Selon nos informations, Olivier Marchetti, le président de Provence Studios est candidat pour développer ses studios à hauteur de 35 millions d’euros pour agrandir les studios de Martigues, installer d’autres infrastructures à Port-de-Buc et réaliser les travaux pour intégrer Saint-Louis Sucre. « Les lauréats seront annoncés en mai 2023. Je reviendrai», prometRimaAbdul Malak.
Liens utiles :
> Industries créatives : la Région Sud lance un nouveau fonds d’aide pour attirer les studios
> [Grand débat] Cinéma et industries créatives à Marseille : la nouvelle ambition
> [Document source] Les 22 pages du discours « Marseille en grand » d’Emmanuel Macron