Le P-dg de CMA CGM, Rodolphe Saadé, a accordé un entretien au président de l’UPE 13 Philippe Korcia. Lors de cet échange diffusé en direct sur les réseaux sociaux mercredi 27 janvier (voir l’intégralité en différé page suivante), le patron du n°3 mondial du transport maritime a livré sa vision concernant le développement du territoire et l’avenir de sa société.
Fondée à Marseille en 1978 par Jacques Saadé, le groupe CMA CGM est depuis devenu le fleuron économique de la ville et porte les couleurs du territoire dans le monde entier. « Souvent, on pense qu’on est intouchable, là-haut dans notre grande tour. Ce n’est pas vrai, on est très attentif à ce qui se passe à Marseille et on souhaite vraiment aider cette ville et la métropole », insiste Rodolphe Saadé. Il évoque plusieurs investissements qui bénéficient à l’écosystème marseillais comme l’installation du siège de Ceva Logistics aux Docks avec ses 300 salariés, la construction du nouvel immeuble Mirabeau qui doit voir le jour en 2023 ou encore la future CMA CGM Academy à la Pointe-Rouge : « Un groupe de notre taille doit avoir une école pour pouvoir former ses collaborateurs à ses différents métiers et je souhaite l’ouvrir aux autres entreprises », explique Rodolphe Saadé.
Terminal GNL : On aurait pu le faire à Gênes ou à Barcelone mais on a préféré Fos-sur-Mer
Rodolphe Saadé
En plus de ses projets immobiliers, CMA CGM est évidemment un partenaire de premier plan du Grand port maritime de Marseille. Actionnaire du terminal PortSynergy à Fos-sur-Mer, le groupe soutient également la création d’une filière autour du gaz naturel liquéfié sur le territoire. « A partir de l’année prochaine, on pourra souter nos navires au gaz à Fos, avance Rodolphe Saadé. C’est une grande première. On aurait pu le faire à Gênes ou à Barcelone mais on a préféré Fos-sur-Mer car on sait que le travail sera bien fait ». Depuis Marseille, CMA CGM veut investir dans les autres ports de Méditerranée. Rodolphe Saadé annonce d’ailleurs un investissement majeur avec une prise de participation dans le nouveau terminal du port d’Alexandrie en Egypte qui sera terminé en 2022.
Depuis le rachat de Ceva, CMA CGM est devenu un acteur global de la logistique. Il souhaite couvrir l’ensemble de la chaîne de transport des marchandises et compte encore une fois en faire profiter Marseille. Le groupe souhaite maintenant se développer dans le fret aérien. En septembre dernier, il a annoncé son intention d’entrer au capital du pôle aérien du groupe Dubreuil composé de French Bee et Air Caraïbes. Pour le moment, l’opération est toujours en suspend et la décision devrait être prise en février. Selon une source proche du dossier, recueillie par Gomet’, le groupe préfèrerait finalement voler de ses propres ailes en développant sa flotte. D’ailleurs, sans attendre de trancher le dossier Dubreuil, Rodolphe Saadé annonce : « Il y a quelques semaines, j’ai décidé d’investir dans l’aérien en achetant deux avions cargos, des Airbus A330 pour desservir du fret vers les Etats-Unis et l’Asie au départ d’Europe. Et on ne va pas s’arrêter à deux ». Dans un futur proche, il aimerait installer des lignes cargos au départ de Marseille vers l’Afrique. « Je suis prêt à développer un hub aérien à Marseille », déclare-t-il.
CMA CGM veut attirer plus d’entreprises et de talents
Avec son incubateur Zebox, CMA CGM se pose également en soutien des start-up marseillaises et de l’innovation. « Je suis toujours impressionné de voir tout ce qui se passe sur ce territoire et j’entends parler de jeunes sociétés très innovantes. Je veux les aider. On peut paraître envahissant mais on a des choses à faire ensemble, en tant que grand frère. Pas pour prendre une participation nécessairement. On ne fera pas cela tout le temps bénévolement mais CMA CGM est là pour aider les entreprises du territoire », assure Rodolphe Saadé.
Le patron voit les atouts de Marseille mais aussi ses faiblesses. Il la voudrait plus attractive et plus accueillante pour les cadres : « Nos collaborateurs ont parfois du mal à trouver un emploi pour leur conjoint, une école bilingue, une place en crèche pour leurs enfants, regrette-t-il. Il faut développer le social. Comparée à d’autres villes, Marseille a encore du boulot ». Rodolphe Saadé reste confiant quant au potentiel de développement de la ville et voit dans la crise sanitaire une opportunité : « Avec cette épidémie, on s’est rendu compte que l’on a pas besoin d’être à Paris ou ailleurs pour pouvoir travailler grâce aux outils numériques. Donc on aura certainement des entreprises qui vont venir s’installer pour profiter de la qualité de vie », estime-t-il.
Pour CMA CGM, la Covid-19 n’a pas eu que des effets négatifs. « La plupart des consommateurs qui achetaient des biens de services ont reporté leurs dépenses sur les produits. Et dans certains cas, c’est CMA CGM qui les transportent. C’est l’effet positif de cette crise pour le transport maritime », avoue le P-dg. Le groupe qui réalise désormais 35 milliards de dollars de chiffre d’affaires est même récemment passé de la quatrième à la troisième place du classement des plus gros armateurs mondiaux. Toujours détenu à 90% par la famille Saadé, CMA CGM souhaite « rester une entreprise familiale », indique Rodolphe Saadé. Mais le patron ne s’interdit rien et évoque même la possibilité d’entrer un jour en bourse : « Un jour quand l’aérien aura pris de l’importance et la logistique en général, peut-être qu’on aura besoin de lever des capitaux », envisage-t-il.
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