Le tramway des Catalans est sur les rails. C’est le message que la Métropole Aix-Marseille a voulu faire passer aux habitants du 7e arrondissement lors de la première concertation publique au Palais du Pharo le 22 mars. Mais, après plus de trois heures de discussions dans l’hémicycle présidé par Catherine Pila, la présidente de la RTM et conseillère municipale d’opposition, les participants restent dubitatifs voire réfractaires au projet métropolitain.
Devant une assemblée silencieuse, Romain Coiffet, responsable du département infrastructure du cabinet Ingérop, chargé par la maîtrise d’ouvrage de l’opération avec le cabinetTangram+Rougerie, fait défiler les photos de la requalification du quartier. On y voit le cours Pierre Puget dégagé : l’îlot central qui sert de parking remplacé par des rails, une piste cyclable à double sens, le tout protégé par de grands arbres feuillus.
Ce transport « régulier et confortable » est « une réponse vertueuse aux exigences écologiques de notre temps » qui s’inscrit dans les contraintes de la zone à faible émission de Marseille (ZFE-m), explique Catherine Pila. Ce moyen de transport doit permettre d’une pierre deux coups de fluidifier le trafic dans le quartier et de requalifier les rues tout en « mettant en valeur le patrimoine ». En 2030, le nombre de voyageurs transporté par cette fraction de tramway est estimé à 22 000 passagers chaque jour – 1 500 en heure de pointe – entre la rue de Rome et la place du 4 septembre.
La priorité d’un tramway vers le Sud remise en cause
Ces bienfaits ont un coût : 75 millions d’euros. La Métropole endossera 89% du montant du projet (66M) et l’État financera les 11% restants, comme le spécifie le groupement d’intérêt public (GIP) transports du plan Marseille en Grand qui cible 15 projets prioritaires pour accélérer les mobilités dans la ville.
Installée à gauche de Catherine Pila sur l’estrade, Audrey Gatian, adjointe aux transports de Marseille, épingle d’emblée le projet :« Clairement, sur le GIP, les financements prioritaires étaient sur les projets des quartiers nord et on l’a répété ». L’élue du Printemps marseillais milite notamment pour une desserte en métro de l’hôpital Nord (15e). De son côté, le président du CIQ Pharo-Catalans, Jean-Pierre Galeazzi, fait aussi un même constat critique : « Ce tramway n’est pas une priorité. »
En réponse, la représentante de la Métropole se justifie : « Ces 15 projets ne sont pas les uns contre les autres. Les 15 sont financés. » A sa droite, Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, nommé deux mois avant l’annonce du plan Marseille en Grand, rappelle que ces projets ont été validés par les six principaux maires, dont Benoît Payan, lors du conseil d’administration du GIP Transports en mars 2022.
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Le risque de report du trafic pointé
« Ça coûte cher, il faut que ça en vaille la peine », prévient à son tour Sophie Camard, la maire de secteur. L’élue du Printemps Marseillais avait sollicité la Métropole la semaine dernière pour lui fournir des études complémentaires sur le report du trafic engendré par le projet. Elle s’inquiète notamment d’une potentielle congestion des voitures en amont de la rampe Saint-Maurice et du boulevard Charles Livon.
La maire de secteur questionne en filigrane l’utilité de ce moyen de transport lourd en investissement. « 22 000 passagers c’est assez peu. Ça ne va augmenter que de 2% la fréquentation du T2 », pointe-t-elle, soutenue par un habitant du quartier : « Il nous faut une étude de trafic avant de discuter du projet », plaide lechef d’entreprise.
La congestion de l’avenue Pasteur (entre la place du 4 septembre et le jardin du Pharo) inquiète aussi les habitants. « On ne peut pas fermer l’avenue Pasteur, ça hurle déjà ! », prévient Jean-Pierre Galeazzi. L’avenue Pasteur compte actuellement 600 véhicules par heure. Avec ce projet, la fréquentation pourrait monter « jusqu’à 1 000 véhicules par heure », admet Romain Coiffet. Autre problème pointé par nombre d’habitants : le risque de congestion aux heures de pointe des axes en amont du tracé. Une partie des résidents des quartiers sud et ceux du 7e arrondissement passent par ici pour rejoindre les tunnels.« Le tramway risque de bloquer la circulation et faire remonter les bouchons bien en amont, sur la Corniche et Endoume» explique cet habitant du quartier.
Plus de 200 places de parking supprimées dans le quartier
Mais Ingérop préfère vanter la requalification des « axes à haut potentiel » permise par le projet et la « mise en valeur le patrimoine urbain ». De fait, le tracé passe devant un certain nombre de monuments : la Préfecture, la fontaine d’Estrangin – qui sera déplacée de quelques mètres pour faire passer le tramway – le Palais de Justice, l’abbaye Saint-Victor, le fort Saint-Nicolas et la plage des Catalans.« Sur photo il est magnifique ce projet, mais dans la pratique est-ce qu’il est faisable ? », demande la présidente de l’association Cas 7e dont la présentation « n’a pas atténuée [ses] inquiétudes ».
Cette riveraine pointe notamment la suppression de près de 200 places de parking dans le quartier. Le projet ampute en effet le quartier des 500 places de parking en surface. Pour pallier cette destruction, Ingérop prévoit de construire un parking sur cinq niveaux de 236 places, rue Dessemond, en face du lycée Colbert dont « 50 places seront réservées aux habitants », souligne Romain Coiffet. « Ce parking va servir tous ceux qui veulent venir à la plage en voiture… », déplore un autre riverain.Le ton monte dans la salle.
La place du vélo est minorée pour Cyril Pimentel
La Métropole et Ingérop se défendent, cette fois, en valorisant la construction de voies cyclables et piétonnes« sur tout le linéaire ». A noter que construire des pistes cyclables pour ce type d’aménagement est obligatoire selon l’article L228-2 du code de l’environnement. « Nous devons diminuer la place de la voiture », rappelle un citoyen en se référantau plan de mobilités (PDU) voté par la Métropole en 2019. Ce plan a pour objectif de réduire de 15% les trajets en voiture ou en moto.
Si le président de l’association Vélo en ville, Cyril Pimentel, aurait pu se réjouir de ces aménagements, il regrette : « On se retrouve encore avec des pistes cyclables sur les trottoirs… ». Et alerte même que « certaines options sont illégales ». Dans l’option A (où la piste cyclable serait repportée sur la rue Sainte) : « il y a tout un tronçon sans aucun aménagement cyclable », étaye Cyril Pimentel. « Vous pouvez faire tous les trams et les pistes que vous voulez, si vous ne contraignez pas les voies de voitures, les pistes cyclables et le tram resteront vides », se désole le cycliste.
Le trolleybus : une solution envisageable ?
Un autre habitant enchaîne :« Il faut des pistes cyclables qui soient sûres pour les cyclistes de bout en bout». Peu convaincu par l’utilité de ce projet, il propose une alternative viable pour répondre aux contraintes de la ZFE-m et à une meilleure desserte du quartier : le trolleybus.
Non ce n’est pas la boîte de nuit du Vieux-Port. C’est l’ancêtre du tramway. Trois fois plus long qu’un bus normal – d’une meilleure capacité – le trolleybus est alimenté par le réseau électrique via un branchement sur son toit.
Marseille en a connu tout un réseau dans les années 1930 avant son démantellement en 2004. Plus de trois participants ont ainsi proposé de faire renaître ce moyen de transport dans le quartier des Catalans. « C’est économique et écologique », justifieJean-Pierre Galeazzi qui a déjà proposé son projet de trolleybus à la collectivité, qui ne pas rebondie pas.
Malgré plus de trois heures de discussions, la demande de Julien Soret,l’élu à la mairie des 1er et 7e arrondissements, est restée en suspend tout au long de la concertation : « Jamais on ne promet un tramway pour faire un tramway. Il faut d’abord que vous nous expliquiez pourquoi vous voulez en faire un. » La Métropole va devoir se montrer plus persuasive.
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