La semaine dernière, du 12 au 14 février, se tenait le salon Vinexpo 2024 à Paris, auquel se sont rendus de nombreux vignerons provençaux. L’occasion de mesurer l’ampleur de ce rendez-vous, les enjeux de la filière et sa place dans notre région, et de (re)découvrir des acteurs locaux qui y ont participé, ou pas.
Wine Paris & Vinexpo Paris : une fréquentation en hausse
Wine Paris & Vinexpo Paris, de son nom officiel, réunit les acteurs du secteur de tous les territoires viticoles français, mais aussi internationaux. Selon la Revue du vin de France, plus de 41 250 visiteurs ont foulé les allées du parc des expositions de la Porte de Versailles, chiffre en hausse de 14% par rapport à 2023, et même de 41 % pour les visiteurs étrangers.
Durant trois jours, plus de 4 000 exposants (ils étaient 3 300 l’an dernier) étaient rassemblés, dont une majorité d’internationaux, représentant 48 pays producteurs. Les principaux acheteurs, venus notamment de France, Italie, Belgique, Etats-Unis et d’Allemagne, étaient présents, mais certains déploraient l’absence d’acheteurs asiatiques (Vinexpo Asia 2024 se tiendra à Hong-Kong en mai).
102 exposants sur le pavillon Vins de Provence
Parmi les nombreux exposants du salon, le pavillon Vins de Provence comptait 102 exposants. Citons par exemple Château La Coste (Le Puy Sainte-Réparade), Château Brégançon (La Londe les Maures), Domaine Léoube (La Londe les Maures), Château de La Gaude (Aix-en-Provence), Château Paradis (Le Puy Sainte- Réparade), Bunan (La Cadière d’Azur), Vins Bréban (Brignoles), Miraval (Correns), Beaucastel (Courtezon), Château Coussin (Trets)…
De retour du salon, Sophie Sumeire Denante, co-propriétaire de Château Coussin à Trets, appellation Côte de Provence Sainte-Victoire, affiche sa satisfaction : « Une très belle édition de Wine Paris Vinexpo, salon qui prend de l’ampleur, en France comme à l’international. L’ambiance était très professionnelle et dynamique. Nous avons vu la quasi totalité de nos clients, français et étrangers. Certains ayant annoncé ne pas venir ont même fait le déplacement au dernier moment (notamment des allemands qui auraient eu plus de facilité à se déplacer à Prowein, autre grand salon du vin situé à Düsseldorf, plus tardif dans la saison, que nous ne faisons pas). Des acheteurs de pays proches ou lointains et où nous ne sommes pas encore distribués nous ont rencontrés. »
Sophie Sumeire Denante a profité du salon pour présenter le nouvel habillage de Château Coussin. « L’accueil a été excellent, à la fois de la part des habitués mais aussi venant des nouveaux contacts. La date stratégique de Wine Paris Vinexpo, mi février, est probablement une des raisons de cet engouement : c’est le moment où les décisions se prennent. Ceci a été largement partagé lors de nos échanges avec nos confères sur le salon.»
La filière phare de l’export français a aussi ses difficultés
Ce salon a pour vocation de trouver et pérenniser des débouchés commerciaux pour les producteurs, tant en France qu’à l’étranger, la France étant le premier exportateur mondial de vins. Le salon Vinexpo a permis à Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), de donner une conférence de presse pour dresser un état des lieux des exportations françaises. Il a livré une rétrospective après deux années record en 2021 et 2022, qui ont été suivies par « un atterrissage en douceur en 2023 avec un recul de 6% en valeur » (dont 3 % pour les vins). Il a souligné l’importance de la filière des vins et spiritueux dans la balance commerciale française : avec 14,8 milliards d’euros d’excédent, elle représente le 1er excédent agroalimentaire et le 3e poste excédentaire de notre balance commerciale. Gabriel Picard indique à Gomet’ : « L’année 2023 reste la deuxième meilleure en 14 ans pour l’export des vins et spiritueux français en valeur. Le salon Vinexpo 2024 reflète ce dynamisme. »
Près de 500 000 emplois directs et indirects sont générés par la viticulture sur le territoire français, selon le Comité national des interprofessions des vins (CNIV). Pour autant, la filière viticole nationale rencontre des difficultés. En tendance longue, en 60 ans, la consommation de vins a chuté de 70% en moyenne par habitant, en raison des nouvelles habitudes, des jeunes notamment. Et la consommation de vins français est encore anticipée à la baisse (20% estimés) au cours des dix prochaines années, selon France Info reprenant les études du CNIV et de FranceAgriMer. S’ajoutent des difficultés à la production comme les aléas climatiques, les pénuries d’eau, et inflation des coûts. C’est pourquoi le CNIV envisage la baisse de production de 100 000 hectares sur les 750 000 hectares de vignobles en France. En 2023, la production mondiale de vin a été la plus faible depuis soixante ans.
Et comment la filière viticole se porte-t-elle en Provence ?
Pendant cette édition 2024 de Wine Paris, le directeur général du Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP) Brice Eymard a expliqué que les sorties de chais ont reculé de 9% pour les vins de Provence en 2023, de 10% en grande distribution et de 13% à l’export, export qui représente plus de 40 % des débouchés (propos rapportés par Vitisphère). Gabriel Picard précise que « la Provence suit la même tendance que l’ensemble de la filière française, mais l’impact des marchés américains est plus sensible pour ses vins. »
Les Chambres d’agriculture de Provence Alpes Côte d’Azur recensent que près du tiers des exploitations agricoles de la région est spécialisé en viticulture. Le Vaucluse (avec 54% des surfaces viticoles de la région) et le Var (avec 32%) sont les principaux départements producteurs, et seulement 12% pour les Bouches-du-Rhône. Soutenu par l’exportation, le vin de Provence est monté en gamme. Les Appellations d’Origines Protégées (AOP) contribuent à valoriser la production viticole et représentent 69 % de la production régionale ; 13 AOP sont présentes dans notre région (voir la carte).
Sur les 6000 exploitations viticoles de la région, les caves particulières représentent seulement 23% des exploitations, ce sont souvent de grandes exploitations, 36 hectares en moyenne ; 68% vendent leur production en coopérative. Il s’agit pour la plupart de petites exploitations, inférieures à 12 hectares. La grande majorité des vignerons provençaux ne participe donc pas à Vinexpo, ce qui ne les empêche pas d’afficher un dynamisme indispensable.
Les chiffres dans la région Provence Alpes Côte d’Azur et les Bouches-du-Rhône
Surface viticole : 92 300 hectares soit 16 % de la surface agricole utile de la région, dont 10 789 hectares en Bouches du Rhône ;
Production : 3 953 000 hectolitres dont 613 000 (15 %) en Bouches du Rhône ;
Nombre d’exploitations viticoles : 6 070 dont 4 700 spécialisées (vigne seulement).
C’est par exemple le cas de Sylvaine Roustan, vigneronne, gérante du Domaine Roustan à La-Fare-les-Oliviers, qu’elle a repris en 2017, après une carrière de cadre, motivée par la transmission de savoirs faire ancestraux et familiaux : « La participation au salon Vinexpo ne fait malheureusement pas encore partie des possibles pour le domaine. Il est implanté au cœur du village de la Fare-les-Oliviers, aux portes de Marseille, sur 20 hectares, et spécialisé dans la culture viticole et oléicole, en agriculture biologique depuis mon installation. Un chai de vinification a été créé en 2019 (auparavant la vente se faisait en coopérative, ndlr). Pour soutenir notre engagement écologique, nous pratiquons la consigne de nos bouteilles de vins, accueillons des événements en partenariat avec l’écosystème des acteurs locaux, afin de promouvoir le patrimoine local, et soutenons des actions de sensibilisation à l’environnement et à la préservation de la biodiversité auprès du jeune public, avec les écoles de la commune. »
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