Pour son premier exercice devant les journalistes au Cepac Silo le 24 janvier, Christophe Castaner, le nouveau président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM) s’est montré à l’aise sur les dossiers. L’ancien maire de Forcalquier affirme vouloir former un « couple magique » avec Hervé Martel, président du directoire depuis 2019. En présentant les « bons résultats » de 2022, les présidents fixent le cap sur la transition énergétique du port tout en restant bien amarré aux activités industrielles.
Pour dresser un bilan des résultats du port de 2022, Hervé Martel annonce une « forte résilience. » Le chiffre d’affaires de 190 millions d’euros, en croissance de 16%, peut en témoigner. Cette reprise s’explique par l’augmentation de 3% des marchandises traitées (77 millions de tonnes en 2022, contre 75 Mt en 2021) et une augmentation de 10% des recettes domaniales. La stratégie détaillées par Hervé Martel dans nos colonnes en mars 2021 a porté ses fruits.
Reprise du trafic de passagers, baisse du vrac solide
La reprise du trafic de passagers est un soulagement pour l’activité portuaire. L’année dernière, le port accueillait deux fois moins de passagers qu’en 2022. Les retrouvailles avec trois millions de passagers sont dues à la réouverture de la liaison avec l’Algérie et la continuité du trafic avec la Tunisie et la Corse. « Cette reprise du trafic de passagers justifie les aménagements sur le terminal de Pinède Nord », glisse Hervé Martel. Le trafic roulier a également repris son activité (+17%), tirée par les exportations des usines Renault à Tanger (Maroc) et des usines de Corée du Sud.
« Tous les voyants sont au vert hormis pour la sidérurgie », admet le président du directoire. Seul le trafic de vrac solide est en baisse de 3%. Cette tendance est due à l’arrêt d’un des deux hauts-fourneaux d’ArcelorMittal en novembre 2022 suite à la baisse mondiale de la demande d’acier. « La filière est tirée vers le bas par la réduction d’ArcelorMittal de 8 millions de tonnes d’import de matière première », explique Hervé Martel. Mais le géant de la sidérurgie n’a pas dit son dernier mot. L’entreprise s’est fixée l’objectif de réduire ses émissions de 35% pour 2030. Sur son site de Fos-sur-Mer, ArcelorMittal déploie deux projets de décarbonation de son industrie : un four « poche », opérationnel en 2024, et un four à arc électrique (EAF), dont les travaux ont commencé en 2022 pour s’achever en 2030.
Le « grand tournant » de la décarbonation
Ce tournant pris par ArcelorMittal s’inscrit dans le plan global de décarbonation du GPMM. « Les hydrocarbures dans 20 ans c’est fini !», lance Christophe Castaner. Le président vante le bon positionnement du port dans l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL), une énergie de transition entre le pétrole et les énergies vertes. En 2022, 8,5 millions de tonnes de GNL ont été importées par le port, contre six tonnes en 2021. Dans un contexte de guerre en Ukraine, le port a ainsi importé (+43%) du GNL provenant d’Algérie, du Qatar, des États-Unis et de Norvège (deux nouveaux pays exportateurs).
Outre le développement du GNL, Christophe Castaner rappelle l’investissement de 50 millions d’euros pour raccorder l’électricité aux quais. En 2022, les travaux sur les quais du Cap Janet, terminal international de ferries desservant le Maghreb, ont permis l’installation de quatre postes, mis en service au printemps 2023. Quant à la mise en service de la connexion électrique des paquebots de croisières en escale, elle est prévue en 2025. C’est« un peu tard» pour la Ville de Marseille qui souhaite mener sa politique de tourisme durable à partir de 2023. Les élus du Printemps Marseillais pressent le port pour accélérer ces aménagements pour la grande croisière. « Techniquement on ne peut pas aller plus vite », tranche Christophe Castaner.
Pour alimenter les bateaux raccordés, le GPMM s’apprête à produire sa propre électricité en installant des panneaux photovoltaïques sur les toits de six hangars des bassins Est. « Cette production permettra d’atteindre une puissance de 77 MW en 2025 », assure l’institution maritime. En 2023, la mise en service de trois éoliennes au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans le projet pilote « Provence Grand Large », permettra également de diversifier la production d’électricité du port à hauteur de 25 MW, l’équivalent de la consommation de la ville de Martigues (45 000 habitants).
Logistique du port : la part modale ferroviaire progresse
Favoriser l’implantation de sites de production d’hydrogène vert, de chimie verte ou biocarburants, doit s’anticiper. Dans son enquête OAZIP 2030, le port a identifié 550 hectares pour ces énergies nouvelles. Ces parcelles permettront également de créer une quatrième zone d’entrepôt « Distriport 2 » et une seconde zone de services portuaires (ZSP2), en plus des trois zones logistique des bassins Ouest : Distriport 1, La Feuillane Sud et La Feuillane Nord.
Le port veut assurer le développement de la logistique puisque « l’hinterland du port s’approfondit », se réjouit Hervé Martel. Ce flux de marchandises après le port s’étoffe grâce au report modal vers le ferroviaire. Le fer a progressé de 4% entre 2021 et 2022 avec 230 000 conteneurs acheminés par train (parmi les 1,53 million d’EVP).
Les timides prémices de l’axe Marseille-Lyon
Si le transport ferroviaire progresse, le trafic fluvial accuse une baisse de 10%. Malgré cette baisse, Christophe Castaner continue d’insister sur le développement de l’axe Marseille-Rhône-Saône dessiné dans le plan Marseille en grand d’Emmanuel Macron. Dans ce dossier « le travail est toujours en cours» précise l’ancien ministre de l’Intérieur. Pour développer cet axe, l’aménagement d’infrastructures dédiées tout au long du fleuve est nécessaire. Les parties prenantes du dossier ont identifié « une cinquantaine de sites à potentiel développement, avance Christophe Castaner, mais il ne s’agit pas de fusionner comme cela a été le cas pour Haropa (le grand port fluvio-maritime de l’axe Seine, NDLR) plusieurs établissements publics mais de trouver les moyens du développement avec le monde économique mais aussi avec des aménagements.» A une dizaine de jours de la venue d’Emmanuel Macron à Marseille, Christophe Castaner affiche la volonté de l’Etat« d’accélérer» dans ce dossier même s’il reconnaît que« le travail de préfiguration n’est pas abouti.»
Document source : le dossier de presse des résultats 2022 du port de Marseille en 2023
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