Qu’est-ce qu’une société à mission, quels bénéfices et contraintes ?
Agnès Warcollier : La société à mission (SAM) se donne pour rôle d’être utile au bien commun, au plan environnemental ou social. Il s’agit d’une nature de société prévue par le législateur depuis la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019. Son engagement est juridique et entre dans l’identité et la stratégie de l’entreprise, qui est guidée par ce cap dans la durée. Être société à mission, c’est se doter d’une raison d’être en lien avec son activité et « d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité » (article L.210-10 du Code du Commerce).
La SAM inscrit sa mission dans ses statuts, acceptant engagement et exigence sur la durée. La mission est doublement contrôlée : par un organisme tiers indépendant, comme par exemple pour nous la société RSE France, filiale d’Apave, qui vérifie le lien entre l’activité et la raison d’être, et par un comité de mission, qui siège au conseil d’administration, un peu comme un administrateur indépendant apporte un regard et une expertise extérieurs. Pour les entreprises de moins de 50 personnes, il existe un référent de mission en interne, qui vote en AG ; je suis référente pour la société LPME.
A l’heure où les collaborateurs cherchent du sens, et où le recrutement n’est pas toujours facile pour les entreprises, la « marque employeur » est valorisée par la mission de l’entreprise. Commercialement aussi, ce positionnement est recherché par certains donneurs d’ordres et peut donc favoriser la sélection de l’entreprise à mission par ses clients, voire exclure les autres de la concurrence, notamment en matière de marchés publics. La société à mission donne du sens aux équipes et a un impact sur le business.
N’y a-t-il pas d’autres statuts ou parcours comparables ?
A. W. : Seul modèle juridiquement opposable, la SAM se distingue de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), dans le même esprit mais qui n’est pas obligatoire, et du statut BCORP, qui selon moi est assez formel, consistant un peu « à cocher des cases », et de plus d’origine anglosaxonne. Le modèle des SAM quant à lui est européen, avec un statut officiel en France et en Italie par exemple et une action européenne en cours en vue de l’étendre, comme le manifeste présenté par notre fondateur Emery Jacquillat, qui est intervenu à ce propos récemment dans vos colonnes, après avoir été interviewé lors de vos Rencontres de la finance verte et solidaire, auxquelles j’ai participé avec intérêt. La SAM peut être complémentaire avec un engagement climatique, par exemple avec un parcours à la Convention des Entreprises pour le Climat.
Qu’est ce que la communauté des entreprises à mission ?
A. W. : Cette association réunit sur adhésion volontaire les entreprises à mission qui le souhaitent et les entreprises en cheminement pour le devenir, dans le but d’échanger, de manière théorique et pratique. 1444 sociétés à mission sont référencées en France à ce jour. Selon l’observatoire des sociétés à mission paru en mars 2023, la barre des mille a été dépassée fin 2022, avec une forte croissance, et elles sont majoritairement implantées en régions. Dans notre région Provence alpes Côte d’azur, il y a aujourd’hui 100 SAM, comme par exemple Anotherway, CVE, Dualsun, Erilia, Klanik, Les Filles et les garçons de la tech, les Jardins du cloître, Minigreen, Plastic Odyssey, Qinomic, Rive Neuve, Sessùn, Soleil du Sud, Tenergie, Voltalia, Voyage Privé… et bien d’autres.
Pourquoi en êtes-vous devenue ambassadrice ?
A. W. : La communauté nationale a souhaité se déployer davantage en régions depuis 2023 et a fait appel à candidatures. Quatre ont été retenues sur notre territoire provençal : Catherine Gineste (Raison d’Être), Mélanie Clément Lamotte (Transeo Aupeam), Delphine Gallin (Garoe Avocats), et moi-même. Également Jessica Chatard (NHCO Nutrition) pour la Côte d’Azur.
Le but des ambassadeurs est de créer du lien et des initiatives locales, diffuser les bonnes pratiques, accompagner les candidats, susciter des vocations, communiquer sur les modèles et les contraintes… Nous voulons créer une communauté de confiance entre entreprises à mission, avec un échange entre pairs pour partager les bonnes pratiques et déployer le modèle, avec nos exigences de rigueur et d’engagement. Nous avons chacune une spécialité, la mienne est la PME, et la relative maturité puisque ma société, LPME, est une SAM depuis trois ans.
Enfin, le choix de devenir entreprise à mission est-il accessible à tous ?
A. W. : Oui (à la différence de l’économie sociale et solidaire), mais ça ne s’improvise pas. Quelle que soit son activité, on peut devenir entreprise à mission, mais il faut accepter que la RSE entre dans la stratégie de l’entreprise. La question à laquelle une société à mission doit répondre est : quelle utilité est-ce que je veux que mon entreprise apporte à la société ?