Proposer un service d’autopartage à Marseille sans remporter un seul appel d’offres, c’est possible. La jeune société lyonnaise Wesk a mis en circulation ses voiturettes électriques « Shaary » le 24 janvier dernier dans le centre-ville de la cité phocéenne. Le fruit d’un travail collaboratif de quatre mois seulement entre la start-up rhodanienne, la mairie de Marseille et la Métropole Aix-Marseille Provence. Dépôt de dossier, obtention de label, droit d’occupation… tout est allé très vite. Le service d’autopartage intra-urbain Shaary, créé en décembre 2020 par le start-up studio Greenpact et les entrepreneurs Christophe Sapet et Henri Coron, déploie aujourd’hui une flotte de 50 véhicules dans la deuxième ville de France, et ne manque pas d’ambition. En mai 2021, Wesk a levé 3 millions d’euros pour développer son projet dans les grandes métropoles du pays.
Le dossier est en cours à Lyon, mais c’est allé beaucoup plus vite avec la Métropole Aix-Marseille.
Diego Isaac, communicant marketing pour Shaary
Dans un premier temps, la team Shaary a contacté la mairie de Marseille. « C’était le 4 octobre », se rappelle Audrey Gatian, adjointe en charge des mobilités. Après étude du dossier, les services de la Ville ont donné un avis favorable au projet Shaary, « dans les jours qui ont suivi », indique l’élue. Fort de cette appréciation, la société lyonnaise s’est procurée le label autopartage – un certificat délivré en novembre par la Métropole, qui a la compétence première sur les mobilités. « Il nous fallait répondre à certains critères et déposer un dossier, précise Lionel Collot, directeur des opérations de Shaary, et d’ajouter : n’importe quel acteur privé d’autopartage peut y prétendre ». Une fois le label en poche, en toute fin d’année dernière, l’opérateur a une nouvelle fois sollicité la Ville de Marseille pour obtenir des places de stationnement en voirie – la dernière étape du processus. En janvier 2022, Shaary décroche le sésame ; le droit d’occupation du domaine public.
Shaary à Marseille : le service en chiffres
Shaary a débarqué le 24 janvier janvier à Marseille avec une flotte de 50 voiturettes électriques (bridées à 45km/h). Ces engins silencieux, accessibles à partir de 21 ans et au moins deux ans de permis, ont une faible empreinte carbone. La flotte est disponible 24h/24 et 7j/7 dans le centre-ville de Marseille. La zone de service (« là où vous pouvez prendre et déposer un véhicule ») s’étend de la Joliette au Nord, à Castelane au Sud, et Saint-Charles à l’Est – soit environ 5km². L’utilisateur peut toutefois sortir de cet espace pendant sa course. Shaary s’occupe du paiement du stationnement, de l’entretien, de la recharge du véhicule, et du coût de l’énergie.
Malgré son micro gabarit, la voiturette Shaary dispose d’un coffre de 300 litres. Il s’agit du modèle Big de la marque Birò du fabricant italien Estrima. À la manière des offres de vélos et trottinettes électriques en free-floating, le service développé par Wesk se présente comme une alternative aux transports en commun. Côté tarifs, comptez d’abord 1,50 euro le déverrouillage de l’engin. Ensuite, c’est 32 centimes à la minute. Il est également possible de louer le véhicule à l’heure (15 euros), ou même à la journée (45 euros). N’oubliez pas de télécharger l’application pour déverrouiller l’engin !
Totem Mobi : l’exemple à ne pas suivre ?
Shaary n’est pas le premier service d’autopartage à tenter sa chance à Marseille. Lancé en 2013, Totem Mobi a déposé le bilan en juin dernier malgré des soutiens financiers conséquents, notamment de la Métropole. « On a eu beaucoup d’échanges avec eux (Totem), on les connaît bien », explique Lionel Collot. Selon lui, le type de véhicule utilisé par l’ancien opérateur marseillais n’était pas assez sécurisé : « c’était des voitures ouvertes (…) avec une problématique d’occupation sauvage ». Deux mois avant la faillite de Totem Mobi, Emmanuelle Champaud, dirigeante de l’entreprise, signalait effectivement « un vandalisme exacerbé qui, s’il se maintient, provoquera de manière certaine la fin du service d’autopartage marseillais ». Et les confinements successifs n’ont pas aidé Totem à se redresser.
Aujourd’hui, « on se situe dans une conjoncture économique qui permet les déplacements (…) et nos véhicules sont fermés », remarque Lionel Collot. Le service Shaary, qui garde un œil sur le rétroviseur, ne s’est pas implanté à Marseille de la même manière que Totem Mobi. « En plus d’avoir un peu plus de recul par rapport aux besoins marseillais, on a une équipe opérationnelle en local (ndlr : de cinq personnes), nous informe Diego Isaac, et d’ajouter : on a un modèle économique différent ». Pas d’abonnement mensuel, ni de bornes de recharge, mais des forfaits minutes et des batteries amovibles. « À partir du moment où les véhicules tournent un certain nombre de minutes par jour, on va être économiquement viable », explique Lionel Collot. À l’heure actuelle, « c’est 25-30 minutes d’utilisation par course, et deux ou trois courses (quotidiennes) par véhicule », précise le directeur des opérations de Shaary.
On sait pertinemment qu’il va se passer plusieurs mois avant que le service soit rentable.
Lionel Collot, directeur des opérations Shaary
Shaary à Marseille : déployer plus d’engins, plus loin
Un regard permanent porté sur le tableau de bord, les équipes opérationnelles de Shaary sont confiantes. Après quelques jours d’exploitation, le service d’autopartage intra-urbain en libre service tourne à bon régime. « Sur la première semaine, on est sur des niveaux un peu plus élevés (que les objectifs fixés en terme de temps d’utilisation) », indique Lionel Collot. En attendant que la tendance se confirme, les voyants sont au vert pour Shaary… mais uniquement dans le centre-ville de Marseille. « Ce qu’on propose à la Métropole et à la mairie de Marseille, c’est de commencer avec 50 véhicules, puis d’envisager la montée en puissance jusqu’à 80 ou 100 voitures dans les neuf ou douze prochains mois », révèle-t-il. L’objectif de Shaary, « c’est aussi d’étendre le service et la flotte sur d’autres zones », prévoit le directeur des opérations.
S’il faut augmenter l’offre, on augmentera.
Audrey Gatian, adjointe au maire de Marseille en charge des mobilités
Une ambition que partage la mairie de Marseille. « L’hypercentre de Marseille a déjà beaucoup de solutions de mobilité, remarque Audrey Gatian, et de poursuivre : la ville est grande, tous les Marseillais doivent avoir les mêmes possibilités de se déplacer ». Mais l’élue ne donne pas son feu vert pour autant. Avant d’envisager un déploiement plus vaste, notamment dans les quartiers périphériques, l’opérateur lyonnais Shaary devra assurer sur plusieurs mois un rendement et un service de qualité dans une zone localisée. « C’est une offre limitée et un service encore expérimental (…) on va d’abord voir comment leur modèle économique se stabilise et ensuite, pourquoi pas, augmenter le nombre de véhicules », suggère Audrey Gatian. Un développement par pallier qui semble convenir aux deux partis. La mairie n’a pour le moment pas fixé de plafond limite concernant la taille de la flotte Shaary.
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