Le verdict est tombé, sans grande surprise : le second tour verra une nouvelle fois s’affronter Emmanuel Macron (LREM) et Marine Le Pen (RN) – comme en 2017. Les premiers sondages du second tour donnent pour l’heure une estimation à 54% en faveur du président sortant, contre 46% pour la candidate du Rassemblement national (sondage France Info).
Il faut désormais tourner la page pour les candidats évincés : vers qui doit se tourner leur électorat ? Viendront-il grossir les rangs de l’abstention, estimée à 27% dans le département ? Plusieurs candidats ont d’ores et déjà donné des consignes de vote. Le candidat d’extrême droite Eric Zemmour appelle ainsi ses électeurs à reporter leur voix sur Marine Le Pen. Un scénario qui pourrait accroître considérablement les scores de cette dernière, qui arrive déjà en tête dans les Bouches-du-Rhône (26,25%), et qui pourrait de fait récupérer les quelque 10-15% de suffrages récoltés par son rival sur plusieurs villes (Aix-en-Provence, Cassis, Saintes-Maries-de-la-Mer).
« Pas de consigne de vote » pour les partisans de LFI
« Il ne faut donner aucune voix à Marine Le Pen » a martelé par trois fois l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon dans son discours post-résultats. Faut-il y voir une litote signifiant qu’il appelle à voter pour Emmanuel Macron ? « Ce n’est pas ça. Jean-Luc Mélenchon appelle les électeurs à faire un choix en conscience. Il sait très bien que leur voix ne lui appartient pas », analyse pour Gomet’ Mohamed Bensaada, membre de la branche marseillaise de LFI. Et d’ajouter : « Les Français ont le choix entre une candidature radicale et capitaliste et une autre simplement capitaliste. Il est triste que le choix se résume à cela. »
Quelles sont les perspectives pour les électeurs du député de Marseille ? Dans cette ville, il arrive en effet largement en tête à 30%, et remporte 10 arrondissements sur 16 dont les 13-14e arrondissements, qui sont pourtant des fiefs du Rassemblement national. Alors que les autres candidats de gauche – Anne Hidalgo (PS), Fabien Roussel (PCF) – ont appelé à voter pour le président sortant, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont loin d’un candidat comme Emmanuel Macron, perçu comme très libéral. Choisiront-il de voter contre lui en se réorientant vers Marine Le Pen, pourtant à l’extrême opposée ? Interrogé il y a quelques semaines par Gomet’, le député Saïd Ahamada estimait que « rien n’était joué ». Selon la politologue Virginie Martin, interrogée sur France info ce 11 avril, les lignes populaires du programme de Marine Le Pen « pourraient parler aux électeurs LFI, mais la fracture se situe autour des mesures anti-migratoires ».
Pour les Républicains, « ni Le Pen, ni Macron »
A quelques minutes des résultats, la candidate LR Valérie Pécresse a appelé ses électeurs à reporter leur voix sur Emmanuel Macron. « Un choix qui n’engage qu’elle », réagissait dans la foulée le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier, qui dirige la fédération LR locale. « Depuis des semaines, nous répétons que nous n’avons rien à voir avec Emmanuel Macron. Il faut agir en cohérence et reconstruire une ADN propre à LR », jugeait-il. Après concertation, le président au niveau national du parti, Christian Jacob, est resté flou sur la conduite à suivre : « Les Républicains ne sont fongibles ni dans le macronisme ni dans le lepénisme » estime-t-il dans une allocution le 11 avril. Il n’appelle toutefois pas explicitement à faire barrage à l’extrême droite en votant Emmanuel Macron. Il y a donc fort à parier qu’une partie des électeurs LR pourrait se partager entre les deux candidats : d’une part Marine Le Pen, qui pourrait séduire les partisans les plus à droite de la droite comme Eric Ciotti et Julien Aubert, qui ont d’ores et déjà affiché leur intention de ne pas voter Emmanuel Macron au second tour. La candidate d’extrême-droite affiche en outre une ligne de plus en plus modérée – en comparaison d’Eric Zemmour – qui pourrait parler aux électeurs de droite.
Julien Aubert (Les Républicains): “Je ne voterai pas pour Emmanuel Macron” au second tour https://t.co/mFqM7j045L via @BFMTV
— Julien Aubert (@JulienAubert84) April 10, 2022
Le 3/4 des Français ont émis un vote de contestation contre le système en place, contre la politique de Macron.
— Eric Ciotti (@ECiotti) April 10, 2022
Je ne donnerai aucune consigne de vote par respect envers les Français mais je ne voterai pas Emmanuel Macron qui a failli.
Les Français sont libres de leur vote ! pic.twitter.com/VJoxgivtBi
D’autre part, une frange des Républicains pourrait partir chez Emmanuel Macron, dont les ambitions libérales se rapproche des idéaux de la droite. De nombreux représentants du parti ont d’ailleurs déjà franchi le cap : avant d’être nommé Premier ministre, Edouard Philippe faisait ainsi partie des Républicains. Plus récemment, des figures emblématiques de la droite locales l’ont également soutenu, à l’instar de Renaud Muselier, Martine Vassal et Lionel Royer-Perreaut. LR entend pour sa part « se concentrer sur les législatives » pour « définir une identité propre aux Républicains ».
« Une élection de frustration » pour Virginie Martin
Le maire de Marseille Benoît Payan, qui s’était montré plutôt discret jusqu’alors sur son engagement dans cette campagne, a réagi à l’élection par voie de communiqué à peine les résultats diffusés : il appelle ainsi à voter Emmanuel Macron au second tour. Idem du côté de l’écologiste Yannick Jadot, en dépit des critiques faites à Emmanuel Macron sur le manque d’écologie dans son programme. Un choix de dépit, en l’absence de candidat à gauche dans ce second tour.
Virginie Martin qualifie ce scrutin « d’élection de frustration » pour les Français, face au manque d’option et de représentation politique. Deux scénarii semblent ainsi se dessiner pour le second tour le 24 avril prochain : soit une progression de l’abstention ou des votes blancs ; soit une mobilisation générale pour former un front républicain, à l’instar de l’élection de 2002, au cours de laquelle le président sortant Jacques Chirac avait été réélu contre Jean-Marie Le Pen avec 82% des suffrages. En 2017, Emmanuel Macron avait lui battu Marine Le Pen avec 66,10% des voix. L’écart se resserre mais la marge semble encore très importante. Voire infranchissable ?
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Site source :
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