L’hydrogène « durable » est identifié par l’État comme une solution idoine pour décarboner en France l’industrie et la mobilité lourde. Tour d’horizon local, des projets industriels de Marseille-Fos aux pépites de l’Arbois.
C’est un élément chimique des plus familiers, à l’origine même de la matière vivante sur Terre. L’hydrogène, premier numéro atomique de la table de Mendeleïev, n’a rien d’un ovni moléculaire. Ce gaz onze fois plus léger que l’air est pourtant au cœur de ce que certains spécialistes appellent « la troisième révolution énergétique ».
L’hydrogène « vert », son variant produit sans libération significative de gaz à effet de serre (GES), est aujourd’hui présenté par l’État, par les acteurs économiques et par les porteurs de projets industriels, comme l’étape d’après. Un vecteur énergétique propre, alternatif à la batterie, qui permet au choix de transporter ou de stocker l’énergie. De quoi résoudre, en partie, les problèmes d’intermittence – symbolisés par la difficile gestion du manque et du surplus d’énergie – qui limitent aujourd’hui le développement du solaire ou de l’éolien.
À l’heure actuelle, la méthode privilégiée pour obtenir de l’hydrogène vert, bien qu’il en existe d’autres, est l’électrolyse. Un processus qui consiste à décomposer une molécule d’eau (H2O) avec un courant électrique, afin de séparer les atomes d’hydrogène et d’oxygène. Maillon complémentaire de la chaîne, la pile à combustible permet tout simplement de faire le chemin inverse, et de récupérer l’électricité en temps voulu, tout en ne rejetant que de l’eau.
Une question de volonté politique ?
Contrairement à l’hydrogène vert, l’hydrogène gris est issu des énergies fossiles (hydrocarbures, charbon, gaz naturel). Trois fois moins cher que son alternative bas carbone, il représente environ 95% de la production actuelle. Son processus de fabrication est pourtant jugé polluant, car très émetteur de CO².
L’hydrogène gris est utilisé aujourd’hui par certains industriels, notamment pour obtenir de l’engrais, de l’ammoniac ou encore pour le raffinage pétrolier. L’hydrogène bleu, quant à lui, est une sorte d’entre-deux. Sa production par vaporeformage inclut la captation et le stockage d’une partie des émissions de carbone.
Bien sûr, l’hydrogène vert ne représente pas l’alpha et l’oméga de la décarbonation française. D’abord, parce que c’est un produit transformé, qui ne se trouve pas dans la nature à l’état brut. Et qu’il nécessite une grande quantité d’énergie pour être produit. Mais force est de constater que cette denrée occupe aujourd’hui une place de choix au sein du programme national France 2030, qui dispose de 54 milliards d’euros pour irriguer et moderniser l’économie française.
Une partie de cette enveloppe (au moins 9 milliards d’euros selon les dernières annonces) financera le développement et la structuration de la filière hydrogène durable. Objectif : produire en France 600 000 tonnes par an d’ici 2030. Obtenue à partir d’énergies renouvelables, cette ressource est identifiée par le gouvernement comme une solution efficiente pour décarboner le transport lourd (camions, avions, bateaux etc.) et l’industrie, notamment pétrochimique. Deux secteurs parmi les plus polluants au sein de la métropole Aix-Marseille Provence. La zone industrialo-portuaire (Zip) de Fos-Berre est d’ailleurs responsable de 25% des émissions industrielles du pays. Elle est aussi un des principaux poumons économiques de notre territoire.
Décarbonation : les institutions publiques poussent en faveur de l’hydrogène
L’hydrogène bas carbone est présenté à Fos-Berre comme l’alternative la plus efficace à une équation fort complexe : décarboner la production industrielle, tout en l’accélérant. Dans les années à venir, cette denrée pourrait ainsi faire basculer le plateau industriel dans une toute nouvelle ère. D’autant que le bassin élargi de Marseille-Fos vient d’être désigné par l’État français comme l’une des deux premières “Zibac” (zone industrielle bas carbone). Un label assorti de quelques millions d’euros qui financeront principalement des études d’ingénierie et de faisabilité. De quoi faire de Marseille-Fos un laboratoire vitrine de la décarbonation industrielle tricolore, et une piste d’atterrissage de premier plan pour les grands investisseurs de l’hydrogène, notamment internationaux.
Dans le cadre de France 2030, le gouvernement prévoit au moins cinq milliards d’euros pour décarboner le top 50 des industriels les plus polluants du pays. Cette enveloppe pourrait être doublée dans 18 mois selon les dernières déclarations du président de la République, Emmanuel Macron, le 8 novembre dernier.
D’après Jean-Michel Diaz, le président du groupement maritime et industriel de Fos (GMIF), « environ 6 milliards d’euros d’investissements sont prévus dans les dix ans sur ce bassin. » Un développement espéré et soutenu par les institution locales. La Région Sud, par exemple, vient de créer un comité stratégique dédié au développement et à la structuration de la filière l’hydrogène. Elle prévoit de mobiliser 50 millions d’euros entre 2021 et 2027 sur ce dossier. La collectivité ne cache d’ailleurs pas son ambition de faire de Provence-Alpes-Côte d’Azur « le premier hub hydrogène euro-méditerranéen ». Rien que ça.
Hydrogène : une transition énergétique motivée par les limites planétaires
Bien que la règlementation, notamment européenne, ne soit pas encore tout à fait adaptée à l’essor de l’hydrogène, les freins administratifs commencent doucement à se lever depuis les accords de Paris en 2015. Reste encore à maîtriser la production de cette ressource à échelle industrielle, et surtout à moindre coût. Ce qui pose encore problème aujourd’hui. Tout reste à faire, ou presque. Et l’enjeu est de taille. L’acquisition définitive de ce double paramètre représente en effet un défi majeur dans un contexte climatique de plus en plus inquiétant. Le constat scientifique est sans appel : six des neufs limites planétaires identifiées sont en 2023 considérées comme dépassées. La chasse aux émissions de CO² est lancée.
Pour survivre et se relancer, l’industrie française doit donc évoluer, se moderniser, et renforcer l’acceptabilité des populations, surtout riveraines. L’État prépare d’ailleurs à Marseille-Fos, en mars 2023, le lancement du premier « lab territorial.» Une démarche pilote qui invitera citoyens, industriels, syndicats et associations à se mettre autour de la table. L’État souhaite ainsi créer un dialogue « en toute transparence, et le plus en amont possible de chaque projet d’implantation », nous précisait le sous-préfet de l’arrondissement d’Istres, Régis Passerieux, en novembre dernier. L’idée étant de favoriser la réindustrialisation, tout en accentuant la prise en compte les enjeux sociaux et environnementaux. Et le temps presse. Un collège d’industriels s’apprête à atterrir dans la zone de Fos.
Marseille-Fos : un terrain de jeu « incontournable » pour les pionniers de l’hydrogène vert
Dans ses vœux 2023 aux habitants, le maire de Fos-sur-Mer, René Raimondi, appelle le gouvernement à faire de la zone industrialo-portuaire locale, un parc d’activités modèle de la transformation énergétique mondiale et de la décarbonation. Désormais inscrite dans le programme Zibac, Marseille-Fos se positionne aujourd’hui, et dans les années à venir, comme une terre d’accueil des pionniers de l’hydrogène, à condition que ceux-ci respectent la nouvelle politique « bas carbone » du bassin. Ils arrivent en nombre, et s’apprête à structurer un écosystème de premier plan à Fos.
Le plateau dispose de nombreux atouts, parmi lesquels la possibilité de s’appuyer, grâce à un réseau de cavités salines déjà en place, sur le potentiel de stockage dont dispose Manosque (04). Dans la zone élargie de Fos, certains projets structurants à venir concernent l’exploitation de l’hydrogène durable, comme les usines Gravithy et Hynovera. Ou bien sa production, à destination de l’industrie ou de la mobilité lourde, comme les unités H2V Fos, MassHylia, HyVence et HyAmmed. D’autres encore portent sur le le transport de cette molécule, notamment vers l’étranger, comme le programme de pipeline H2 Med.
Trois questions à Anne-Marie Perez
Anne-Marie Perez est la directrice générale du pôle de compétitivité aixois Capenergies, structure qui anime le club H2 Sud. Elle est également déléguée régionale Sud pour France Hydrogène. Cette structure vise à accélérer le développement des solutions hydrogène, afin de « réindustrialiser le territoire, d’accélérer la transition énergétique et de créer de la valeur localement.» La quête de ces objectifs nécessite parfois une évolution du cadre réglementaire.
Comment expliquer la multiplication des projets liés à la création, au transport ou à l’utilisation de l’hydrogène dans la zone de Marseille-Fos ?
Anne-Marie Perez : Ce territoire est l’un des plus carbonés de France, aux côtés de Dunkerque. Cela s’explique notamment par la présence des industries, de la raffinerie, de la pétrochimie, de la sidérurgie, entre autres. Le tout représente 20% des émissions de CO² en France. Mais il existe plusieurs leviers pour décarboner ce Marseille-Fos dont l’hydrogène. Le fait qu’on ait une zone industrielle autour d’un des plus grands ports d’Europe, qui dispose déjà de nombreuses infrastructures, fait en sorte qu’on a besoin d’hydrogène pour décarboner l’ensemble des usages (trafic terrestre, maritime, aérien, ndlr). Et c’est pour cela qu’il existe autant de projets.
Tel que présenté, l’hydrogène s’apparenterait presque à une solution « magique » pour décarboner l’industrie et les transports, non ?
A-M.P : Ce n’est pas magique, parce que c’est une solution de décarbonation parmi d’autres. Disons que l’hydrogène a sa place, pour certains usages, dans certaines conditions, parce qu’il n’existe pas encore de solutions alternatives. C’est une molécule qu’on connaît, et qu’on utilise déjà dans l’industrie. On ne part pas de zéro. Le défi maintenant, c’est de réussir à produire de l’hydrogène à échelle industrielle, et à un prix compétitif. Aujourd’hui, 60% du prix de l’hydrogène en exploitation est lié au coût de l’électricité utilisée pour sa production. Par ailleurs, certaines réglementations européennes exigent désormais que l’hydrogène soit vert, c’est-à-dire qu’il soit obtenu à partir d’électricité renouvelable. Donc il faut avoir accès à cette production, et de manière compétitive. Ce qui est important, pour réussir ce développement, c’est d’avoir une approche systémique, et de travailler collectivement.
Différentes couleurs sont utilisées pour qualifier l’hydrogène : gris, vert, bleu… À quoi correspondent-elles ?
A-M.P : L’hydrogène gris, c’est celui qu’on utilise actuellement. Il est élaboré, à partir de gaz naturel, un combustible fossile, par un processus appelé vaporeformage. C’est une méthode qui émet du CO². L’hydrogène décarboné, quant à lui, est produit, non plus à partir de gaz, mais à partir d’électricité décarbonée. Il existe plusieurs manières d’obtenir de l’hydrogène sans carbone, mais la majorité des projets s’appuient aujourd’hui sur le processus d’électrolyse de l’eau, c’est-à-dire avec des électrolyseurs.
Décarbonation : H2 Gardanne apportera sa pierre à l’édifice
Pour des raisons principalement économiques, stratégiques et politiques, la zone industrialo-portuaire de Fos concentre la majeure partie des grands projets structurants à venir dans le secteur hydrogène. D’autres programmes, souvent plus modestes en terme de demande ou de production, sont également prévus dans le reste du département des Bouches-du-Rhône. Ils pourraient eux aussi, à leur échelle, contribuer à décarboner l’industrie, notamment pétrochimique, et les mobilités lourdes. C’est le cas du projet H2 Gardanne, compris tout de même dans la future Zibac.
Ce programme porté par Hynamics, filiale du groupe EDF, vise à installer dans les mois à venir une station de production d’hydrogène vert, par électrolyse de l’eau (1MW), et une station de distribution, au sein de l’Installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) – un site exploité par la Société d’économie mixte d’aménagement de Gardanne (SEMAG). Cette micro-usine, chiffrée entre 12 et 15 millions d’euros, sera alimentée avec de l’électricité renouvelable, en provenance d’un parc solaire (2,7 Mwc), et d’une unité de valorisation énergétique de biogaz.
Le site de la Malespine dans le pays de Gardanne (Crédit : Semag)
GravitHy : la centrale d’acier « vert » à deux milliards
Créée en juin dernier par un consortium industriel d’envergure, la société GravitHy prépare son implantation dans la zone de Fos-sur-Mer. Elle s’est lancée le défi de mobiliser 2,2 milliards d’euros pour lancer en 2024 la construction d’une usine de production de fer réduit (DRI) et d’acier « décarboné » à partir d’hydrogène. Le début d’exploitation est quant à lui espéré en 2027, avec 300 emplois régionaux directs à la clé. La centrale, dont l’emplacement exact est tenu secret, s’étalera sur près de 70 hectares.
Elle consommera d’abord de l’hydrogène gris, avant que l’hydrogène vert ne prenne progressivement le pas. Une super-ligne de 650MW sera d’ailleurs dédiée à l’électrolyseur sur site. L’usine GravitHy requerra à terme près d’un gigawatt annuel. Une consommation équivalente à celle d’une ville comme Marseille. La société porteuse vise un rendement de deux millions de tonnes de « fer de réduction directe » par an.
Hynovera : l’unité de création de « biocarburants » dans la tourmente
Le projet Hynovera est un programme de reconversion d’une partie de la centrale de Gardanne (6ha sur 86) en usine de « biocarburants », porté par l’industriel allemand Hy2gen. Le groupe veut implanter son usine au second semestre 2028, au niveau de l’ancien stock de charbon, et pense créer 50 emplois directs. Le montant des investissements, estimé d’abord à 460 millions d’euros, a été revu à la baisse en février 2023, à la suite d’une concertation publique agitée. Certains habitants de Meyreuil et de Gardanne ont fait preuve d’une ferme opposition à Hynovera.
Une pétition en ligne hostile au projet a d’ailleurs connu un fort succès (24.000 signatures). Vent debout, les riverains critiquent surtout l’emplacement choisi par Hy2Gen pour installer son usine ; un site proche de quartiers récemment urbanisés. Soutenu, dans un premiers temps, par les maires de Gardanne et Meyreuil, Hynovera est peu à peu lâché par ces mêmes élus locaux.
La centrale ne vise plus qu’à produire du kérosène et du diesel pour l’aviation « durable » – Hy2Gen ayant fait marche arrière sur le méthanol face à la gronde populaire. Des carburants présentés comme « propres », dans la mesure où, pour les obtenir, le groupe allemand compte utiliser un mix de biomasse forestière et d’hydrogène vert. Le processus nécessite toutefois des ressources conséquentes en bois, en eau et en électricité. Devant la levée de boucliers d’une partie des riverains, le maître d’ouvrage Hy2Gen a décidé de modifier son projet, et de réduire fortement ses approvisionnements. Le projet ne sera ainsi plus classé Seveso «seuil bas.»
H2V : l’hydrogène renouvelable pour la mobilité lourde
C’est le futur poumon de la zone. L’installation H2V Fos, une usine de production d’hydrogène, va mobiliser 750 millions d’euros d’investissement pour six tranches qui occuperont 36 hectares sur le territoire portuaire. La première unité sera mise en service en 2026, et les cinq autres arriveront progressivement d’ici 2031. Chacune développera une puissance de 100 MW, soit 600 MW au total. L’installation s’étalera sur un foncier de 36 hectares, et sera capable à terme de produire 84 000 tonnes par an d’hydrogène renouvelable par électrolyse de l’eau. « Elle subviendra à la totalité des besoins en énergie de la zone industrialo-portuaire », estimait en janvier 2022, Hervé Martel, le président du directoire du GPMM. L’usine compte employer à terme 165 personnes, et créer une centaine d’emplois indirects.
La société H2V a déjà développé deux projets d’importance en Normandie et à Dunkerque. Elle décrit Fos comme une zone « incontournable », avec de nombreux clients potentiels comme Arcelor Mittal ou NaphtaChimie, qui cherchent à décarboner leurs activités. La finalité du projet H2V à Fos est de fournir en hydrogène la mobilité lourde. « Qui dit port, dit beaucoup de camions, et même les bateaux à terme pourront fonctionner à l’hydrogène », remarquait début 2022 l’ex-DG Jean-Marc Leonhart.
MassHylia : une ferme solaire pour produire de l’hydrogène vert
Le projet de production d’hydrogène vert, baptisé MassHylia, est porté à Châteauneuf-les-Martigues, sur la raffinerie de La Mède, par le tandem Total Energies – Engie. Le site doit devenir, en 2024, le plus grand producteur d’hydrogène renouvelable de France. Mais cette installation, dont le coût est estimé, selon nos sources, entre 160 et 250 millions d’euros, requiert une énergie photovoltaïque conséquente.
Elle sera générée par une ferme solaire d’envergure (100 MW), qui alimentera elle même un électrolyseur sur site (40 MW). Ce dernier fournira, à terme, jusqu’à 15 tonnes d’hydrogène « propre » par jour à la raffinerie de Total la Mède – productrice quant à elle de carburants. Suivant ce processus, près de 15.000 tonnes de CO² seront évités chaque année selon les porteurs du projet. De quoi permettre à l’usine de rentrer dans les clous européens en terme d’émissions carbonées.
HyVence : le photovoltaïque flottant au service de l’hydrogène
Le projet Hyvence vise à produire à horizon 2025 de l’hydrogène bas carbone à destination de l’industrie, notamment pétrochimique, et des mobilités. La ressource serait obtenue par électrolyse (60 MW), avec un raccordement des électrolyseurs, sur près de 40% du temps, à une centrale solaire (300 MWc). Paramètre inédit : ce parc sera composé de 500 hectares de panneaux photovoltaïques flottants sur des étangs de saumure de Lavalduc et l’Engrenier, à Fos-sur-Mer. Porté par l’industriel historique Geosel Manosque (CA : 93 millions d’euros en 2021) sur les terres du Groupe Salins, le projet est chiffré à environ 600 millions d’euros selon la Ville de Fos.
À terme, le potentiel du parc solaire porte sur 600 MWc, avec une production électrique d’environ 800GWh par an. Cette puissance permettra à l’usine, dotée alors d’un électrolyseur de 125 MW, de générer jusqu’à 15 000 tonnes d’hydrogène « renouvelable » par an. Acteur majeur du stockage souterrain de produits pétroliers, Geosel espère également éviter le rejet quotidien de 100 000 tonnes de CO².
HyAmmed : une station à hydrogène pour les camions
Le groupe industriel français Air Liquide va construire la première station hydrogène haute pression d’Europe à Fos, avec une pression de 700 bar et une capacité de production d’une tonne par jour. Elle alimentera en hydrogène bas carbone une flotte de huit camions (44 tonnes), spécialement conçue dans le cadre du projet HyAmmed, dont le coût global frôle les 15 millions d’euros. La mise en circulation des premiers camions est imminente. La station Air Liquide offrira jusqu’à 20 rechargements quotidiens de camions effectuant de longues distances, avec une autonomie pouvant aller jusqu’à 800 kilomètres.
Le programme HyAmmed, financé par l’Ademe et l’Europe (10% chacun), vise à initier le déploiement des camions hydrogène en France et en Europe, notamment dans toutes les zones logistiques denses comme les ports. Selon Air Liquide, « le projet permettra de réduire les émissions de CO2 de plus de 1 500 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de plus de 2 millions de kilomètres parcourus en camion ». Les groupes Coca-Cola, Monoprix ou encore Carrefour sont partenaires de Hyammed.
H2Med : le pipeline d’hydrogène vert entre Marseille et Barcelone
Le projet d’interconnexion énergétique sous-marine H2Med (ex-BarMar), reliant la péninsule ibérique au reste de l’Europe, se présente comme une affaire d’État. Il comportera deux parties distinctes, dont un pipeline entre Barcelone et Marseille. Ce corridor méditerranéen de 455 kilomètres vise à transporter à horizon 2030 de l’hydrogène vert entre la France et l’Espagne. Son coût, estimé un temps à environ 2,5 milliards d’euros, devrait encore augmenter.
En effet, le président français Emmanuel Macron et le gouvernement espagnol ont annoncé le 22 janvier que le réseau H2Med serait étendu jusqu’à l’Allemagne. À terme, le réseau H2Med aura la capacité de transporter jusqu’à deux millions de tonnes par an d’hydrogène renouvelable, ce qui représente 10 % de la consommation prévue en Europe d’ici sept ans.
Le 12 décembre dernier, à Alicante, dans le cadre du plan REPowerEU, le gestionnaire du réseau de transport de gaz espagnol Enagás, les gestionnaires de réseaux de transport de gaz français GRTgaz et Teréga et le gestionnaire du réseau de transport de gaz portugais REN ont signé un protocole d’accord « Mou » (Memorundum of Understanding) pour formaliser leur engagement à collaborer de manière coordonnée au développement conjoint de H2Med.
Hydrogène : focus sur l’Arbois (Aix), laboratoire innovant et nid à pépites
Dans les Bouches-du-Rhône, la plupart des projets structurants cherchent à s’installer sur le bassin industrialo-portuaire de Marseille-Fos, principalement pour des raisons stratégiques, économiques et foncières. Mais l’écosystème hydrogène local ne se résume pas à l’implantation d’usines « décarbonées.» La métropole Aix-Marseille Provence se présente à la fois comme une terre d’accueil, et comme un laboratoire à la pointe sur l’utilisation de cette ressource alternative. Une effervescence scientifique qu’incarne à merveille le Technopôle de l’Arbois-Méditerranée.
Ce parc d’activités métropolitain, dédié à l’innovation durable, abrite quelques spécialistes de l’hydrogène, dont les solutions de rupture, développées sans grand bruit pendant des années, attirent aujourd’hui les regards du monde entier. Habitués des grands salons internationaux, comme le CES Las Vegas ou encore Viva Technology, ces acteurs émergents construisent aujourd’hui, en terre aixoise, le socle d’une industrie nationale plus propre, et d’un transport décarboné. Pourtant, la filière hydrogène locale est encore balbutiante. Certaines de ces start-up n’obtiendront en effet leur premier chiffre d’affaires que cette année, voire plus tard.
Enogia, Elyse, Hynova… Aix ne concentre pas toute l’innovation !
Bien qu’Aix-en-Provence, et particulièrement son plateau de l’Arbois, représente un vivier important de start-up prometteuses dans le secteur de l’hydrogène, son voisin marseillais n’est pas en reste. La cité phocéenne dispose elle aussi de pépites issues de cette filière d’avenir. Notamment Elyse, société industrielle pionnière de l’exploitation des molécules bas-carbone, qui produit du e-méthanol et des carburants d’aviation « durables ».
On peut également évoquer Hynoé, la filiale hydrogène du groupe marseillais Énoé, qui finance et exploite des infrastructures de production d’hydrogène renouvelable. Ou encore la jeune société Enogia, qui développe des compresseurs d’air pour pile à combustible hydrogène. Et suscite un grand intérêt des acteurs locaux – dont le groupe industriel Parlym. La start-up fondée par Arthur Leroux est également un acteur majeur du consortium QualifHy, qui vise à renforcer les synergies locales entre industrie et recherche.
Enfin, l’entreprise Hynova Yachts, basée quant elle à La Ciotat, suscite l’intérêt des investisseurs avec sa solution de navires de plaisance à propulsion électro-hydrogène. Elle est dirigée par Chloé Zaied, qui s’est peu à peu imposée comme une des porte-paroles de la filière hydrogène locale. Hynova travaille en ce moment avec Ephyra (Suisse) sur la première station à hydrogène vert pour la plaisance. Un projet pilote pourrait d’ailleurs voir le jour à Marseille.
Visuel du projet porté par Hynova et Ephyra (crédit : Ephyra)
Hydrogène : nos 6 pépites à suivre
– Sakowin Green Energy (Aix)
– Helion Hydrogen Power (Aix)
– HySiLabs (Aix)
– Hynova Yachts (La Ciotat)
– Maca (Aix)
– Neptech (Aix)
Sakowin : la deeptech qui voit l’hydrogène en turquoise
Portée par un collège d’actionnaires industriels de premier plan, parmi lesquels le groupe Saint-Gobain, Ponticelli Frères ou encore le Groupe ADF, la société Sakowin Green Energy (Aix), labellisée deeptech, développe une solution compacte et modulable, capable de produire en masse de l’hydrogène. Et ce, directement sur le site de consommation, et à la demande. La brique technologique Sakowin peut être intégrée aux infrastructures industrielles et gazières existantes, directement chez le consommateur final.
Concrètement, le module Sakowin transforme le (bio)méthane, ou le gaz naturel, en hydrogène et en carbone solide. Un processus qu’on appelle la plasmalyse du méthane. Cette méthode alternative, cinq fois moins gourmande en électricité que l’électrolyse, permet d’obtenir sans eau un hydrogène à la fois compétitif en termes de coûts, et négatif en termes de CO². Il est qualifié de “turquoise” par Sakowin, qui a déposé ses premiers brevets en octobre 2020.
L’entreprise fondée en 2017 défend un développement de l’hydrogène en circuits courts, et vante les mérites de l’autoproduction. Elle alerte également sur « la massification de la production centralisée d’hydrogène », qui implique selon elle d’énormes investissements en matière d’infrastructures. Après avoir levé neuf millions d’euros auprès de l’Europe et de BPI France, Sakowin a livré en septembre dernier son premier prototype de 3 kW, et prévoit cette année de doubler la puissance de ses maquettes, avec à la clé plusieurs ventes.
La société prépare également un deuxième tour de table à huit millions d’euros. Il faudra toutefois attendre 2024 avant que la deeptech dirigée par Gérard Gatt ne mette en service son démonstrateur industriel baptisé “Southbeach”. Un pilote d’une toute autre envergure (100 kW), capable de produire près de 200 kilogrammes d’hydrogène par jour.
HySiLabs : le transport d’hydrogène liquide
La société HySiLabs, créée en 2015, est spécialisée dans la conception de solutions facilitant le transport d’hydrogène. Installée au Technopôle de l’Arbois, elle a développé et breveté le vecteur HydroSil. Cette solution permet de stocker et de transporter rapidement l’hydrogène sous forme liquide, à la demande, et sans apport d’énergie extérieure. Soutenue par l’Europe et la Région Sud, la jeune entreprise HySiLabs a inauguré en juin dernier un pilote préindustriel, dont le coût est estimé à 150 000 euros. Une machine qui permet à HySiLabs de « passer du kilo à la tonne », a indiqué Pierre-Emmanuel Casanova, co-fondateur de HySiLabs, dans un entretien accordé aux Nouvelles Publications.
Après avoir rassemblé six millions d’euros depuis la création de la boîte, HySiLabs vient de lever 13 millions d’euros auprès d’un pool d’investisseurs, fin janvier. De quoi financer la mise en route d’un premier véritable pilote industriel en 2025, et de préparer la construction d’une usine en 2027-2028. Cette unité devrait être implantée au sein du bassin industrialo-portuaire de Fos. Des négociations sont en cours. La pépite aixoise devrait doubler ses effectifs cette année pour atteindre une trentaine de collaborateurs.
NepTech : le catamaran à hydrogène se prépare aux JO 2024
La société NepTech, installée au Technopôle de l’Arbois, à Aix-en-Provence, conçoit des navires “zéro émission” de transport de marchandises ou de personnes. Plus précisément, la solution développée par cette start-up créée en mai 2020 est une sorte de catamaran à propulsion hydrogène et électrique. Ce bus maritime, d’une longueur de 10 à 25 mètres, sera capable, à terme, d’embarquer jusqu’à 200 passagers – l’équivalent de deux bus terrestres.
NepTech dispose déjà d’un démonstrateur de 2,5 mètres, exposé notamment lors des deux participations de la société à VivaTechnology, le salon européen dédié à l’innovation. La start-up travaille également au déploiement de sa solution dans le cadre des JOP de Paris 2024, « avec un navire sur la Seine et plusieurs dans le Sud de la France », nous dévoilait Tanguy Goetz, le directeur général de NepTech, en juin dernier.
Maca : la formule 1 volante à hydrogène
Elle vient de nouer des partenariats stratégiques avec les spécialistes de l’ingénierie automobile Red Bull Advanced Tech et Segula Technologies. La start-up aixoise Maca (make accessible carcopter to anyone), créée en 2020, développe depuis bientôt quatre ans une solution inédit : la formule 1 volante. Un engin « zéro émission » de cinq mètres de long, conçue à partir de matériaux durables, pour un poids de 300 kg. Maca travaille aujourd’hui sur des prototypes électriques, mais prendra d’ici 2024 un virage à l’hydrogène, avec des fournisseurs français.
Un premier démonstrateur hydrogène pourrait tout de même sortir fin 2023. « L’hydrogène a une densité énergétique dix fois supérieure à celle de la batterie », nous expliquait Michael Krollak, co-fondateur du projet rencontré au Technopôle de l’Arbois. Le modèle final disposera de six moteurs, et pourrait atteindre une vitesse de pointe de 250 km/h.
En attendant le premier vol officiel, le PDG Christian Pineau va accélérer « la vente de modèles d’exception à des collectionneurs » pour financer les prochaines étapes du projet, et la production future. Il nous exposait en juin dernier sa volonté d’écouler, en pré-ventes, au moins 25 modèles à 2,5 millions d’euros chacun, dans les deux ou trois prochaines années. De 2025 à 2030, Christian Pineau va ensuite poursuivre la stratégie initiée par son prédécesseur, Thierry de Boisvilliers. À savoir, créer puis développer un tout nouveau championnat de course de “carcopter” en circuit fermé. Une manière de renforcer l’acceptabilité du grand public, et d’intéresser les grands industriels…
Helion : la pile à combustible sixième génération
C’est un pionnier de la filière hydrogène tricolore. Installé sur le plateau de l’Arbois (Aix), Helion Hydrogen Power est tout simplement le plus ancien fabricant et concepteur de piles à combustible hydrogène en France. En l’espace de vingt ans, Helion a cumulé près de 100 millions d’euros d’investissement R&D. Longtemps filiale du groupe Areva, cette pépite aixoise poursuit, depuis avril 2021, son développement sous le giron du groupe ferroviaire Alstom – la multinationale développe en ce moment le train à hydrogène, le Coradia iLint.
Après avoir investi six millions d’euros, en décembre 2021, dans une plateforme de fabrication semi-automatisée, Helion est aujourd’hui en phase d’industrialisation. La filiale d’Alstom s’apprête en effet à livrer sa pile à combustible hydrogène 6e génération. Une technologie principalement destinée au secteur de la mobilité lourde, notamment ferroviaire et maritime.
En 2024, Helion va intensifier sa production pour atteindre 30 mégawatt grâce à une nouvelle ligne totalement automatisée – de quoi se mettre au diapason des leaders mondiaux. Elle sera déployée sur le nouveau site de l’entreprise. Un quartier général trois fois plus grands que l’actuel siège, et qui devrait sortir de terre dans un peu plus d’un an. Le bâti est toujours en construction au sein de la Zac de Plan d’Aillane (Aix). Pensé par l’architecte Marc Farcy, le nouveau bâti s’étalera sur près de 6500 m².
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