Agnès Warcollier, ambassadrice de la communauté des entreprises à mission à Marseille, après nous avoir éclairés sur les sociétés à mission nous décrit l’impact de ce statut sur la société LPME, dont elle est associée en charge de l’établissement de Marseille.
Agnès Warcollier, quel est votre parcours ?
Agnès Warcollier (AW) : Depuis 2018, je suis associée et responsable de l’établissement de Marseille de la société LPME, conseil en achats et marchés publics. Auparavant, après un magistère de gestion à Dauphine en 1996 et un début de carrière dans le public, j’ai passé près de 20 ans au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives), où j’ai évolué jusqu’à la direction du service achat du CEA Cadarache, soit une équipe d’une quarantaine d’acheteurs, tous domaines, dont ceux associés à la construction du plus grand réacteur de recherche européen, le réacteur Jules Horowitz. Par ailleurs, je suis membre du réseau Marséa Nord Développement, et depuis fin 2023 ambassadrice de la communauté des entreprises à mission à Marseille.
Que fait la société LPME ?
AW : A LPME, depuis 15 ans, nous formons, conseillons et accompagnons entreprises, acheteurs publics et élus sur la thématique des marchés publics. Yannick Paris et Lucien Lagaye sont deux anciens responsables des achats d’un établissement public qui ont fondé LPME en 2009, au départ à Dijon, aujourd’hui aussi à Marseille, Lyon et Outremer. Ils ont voulu apporter leur expertise des marchés publics exigeants et complexes au service des entreprises privées et des donneurs d’ordres publics, pour les accompagner dans toutes les problématiques que soulève un marché public.
Nos références couvrent un large spectre, de l’entreprise unipersonnelle aux grands groupes, avec une part significative de TPE/PME. Et côté donneurs d’ordres, nous accompagnons de la mairie de village sur des projets courants (par exemple maîtrise d’œuvre pour la rénovation d’une église…) à des projets de structures de niveau national, pour des projets d’achats complexes. Par exemple nous avons accompagné l’Ifremer pour la construction du PolarPod, engin flottant conçu par l’explorateur Jean-Louis Etienne pour étudier l’océan austral dans l’Antarctique. Voici quelques-unes de nos références locales : l’AP-HM avec la poursuite de l’activité achat dans le domaine informatique pendant le Covid-19 ; la ville d’Hyères-les-Palmiers pour divers travaux de rénovation du Port ; la RDT 13 ; Manifesta 13 (biennale d’art contemporain).
Depuis sa création, LPME travaille sur les aspects classiques d’accompagnement autour de la commande publique : à destination des donneurs d’ordres (pour sécuriser les marchés, maîtriser le budget alloué, améliorer la performance de la fonction achat…) mais aussi des entreprises (pour définir une stratégie, optimiser la détection des appels d’offres, améliorer son positionnement…). De plus, depuis quelques années, LPME est reconnue pour sa mission liée à la maximisation de l’impact territorial que peut avoir la commande publique.
LPME a co-construit la méthodologie de la stratégie du bon achat territorial
Agnès Warcollier
En effet, celle-ci se trouve au coeur des enjeux du territoire, qu’ils soient économiques, sociaux, écologiques, politiques, etc. Elle agit comme un levier indispensable aux politiques économiques de relance et de développement. Dans ce sens, LPME a co-construit la méthodologie de la stratégie du bon achat territorial (SBA) et a accompagné diverses régions de France, dont la Bourgogne, l’île de la Réunion et Saint-Pierre et Miquelon, qui ont souhaité la déployer.
« Straticien » (marque déposée) des marchés publics, voulant allier la stratégie à un sens pratique des marchés publics, LPME a reçu le Trophée du Développement économique régional du Bien Public en 2021 pour son action en faveur d’une rencontre des secteurs public/privé au profit du développement économique des territoires. Nous disposons de la qualification OPQCM dans le domaine des achats et de l’agrément de formation aux élus (Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales) et notre processus de formation est certifié Qualiopi.
Pourquoi avoir adopté le statut de société à mission ?
A. W. : LPME est née il y a 15 ans de la volonté de rapprocher les mondes privés et publics qui s’ignorent trop souvent. L’objectif était donc de mieux dépenser les deniers publics, en aidant les entités publiques à mieux comprendre les entreprises et vice-versa, pour faire un meilleur achat et donc un achat plus responsable. Notre équipe pluridisciplinaire est engagée et portée par l’intérêt général.
En 2021, le principe de la société à mission nous a séduits parce que ce statut affirme le rôle sociétal de l’entreprise. Être utile à améliorer la société est une valeur partagée par nos équipes et fondateurs, d’où notre activité de conseil auprès des entités publiques. Or bien que présente, cette dimension n’était pas assez visible dans nos conseils et valeurs.
Nous avons la chance d’avoir une activité tournée vers les entités publiques, donc vers l’intérêt général. La commande publique est intrinsèquement porteuse de valeurs positives (liberté, égalité, transparence) et fer de lance de l’achat responsable. Pour autant, nous avons fait le constat que la commande publique peut être encore loin des préoccupations environnementales et de l’achat responsable, d’où l’idée de contribuer à la résolution de ces insuffisances par notre raison d’être : « Donner du sens aux marchés publics en contribuant à les rendre plus favorables au développement durable de la société et de tous les acteurs qui la composent ».
Adopter le statut d’entreprise à mission permet de marquer clairement notre engagement vers l’achat responsable, de s’y tenir dans le temps et d’embarquer toute l’entreprise vers cet objectif. Nous avons été contrôlés par l’Organisme Tiers Indépendant RSE France, filiale du groupe APAVE, et je suis la référente de mission en interne.
Quelle valeur ajoutée opérationnelle avez-vous constatée, trois ans après la mise en place de ce statut ?
A.W. : Le fait d’avoir inscrit notre raison d’être dans nos statuts donne un cap à notre entreprise et du sens en interne : motivation et attirance de nouveaux collaborateurs, impact sur notre fonctionnement, révision de notre politique RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) avec sensibilisation de toute l’équipe, mise en place d’une feuille de route pour que chaque salarié inclue la mission dans son activité, formation pour être auditeur du label Relations Fournisseurs et Achats Responsables (RFAR).
Notre mission impacte la façon dont nous accompagnons nos clients : sensibilisation à l’achat responsable (par exemple choix de critères environnementaux pour l’IFREMER), proposition de sourcing local, intégration d’une vision responsable de l’achat dans nos modules de formation, sensibilisation à la RSE des entreprises comme vecteur d’amélioration de leur offre, mise en place de stratégie du bon achat territorial pour le développement économique des territoires … Notre accompagnement va au-delà des seuls volets économique et juridique : par exemple, pour l’Epide (Etablissement Public pour l’Insertion dans l’Emploi) nous avons préconisé de faire appel aux Esat (Etablissements ou services d’aide par le travail), voire aux jeunes accueillis (jeunes employés par entreprise titulaire) pour réaliser le blanchissage / repassage du linge. Notre mission favorise aussi des actions en faveur de l’environnement, comme par exemple une formation en cours d’élaboration sur les enjeux environnementaux et bilan carbone dans les marchés publics (avec Projet Celsius).
Être société à mission nous facilite l’entrée en relation et augmente la confiance de nos clients, nos statuts étant un gage de nos valeurs et même un argument commercial, à condition bien sûr de reposer sur des faits. Notre raison d’être est une boussole pour garder la bonne orientation. Nous ne répondrions pas à des besoins qui ne rentreraient pas dans notre raison d’être, et renoncerions à un client qui ne voudrait pas tenir compte du volet environnemental, ni se soucier d’une relation contractuelle équilibrée (trésorerie des PME par exemple), qui ne voudrait délibérément pas aller vers l’achat responsable. A l’inverse nous faisons le choix de clients vertueux vis-à-vis de l’environnement et l’économie sociale et solidaire (Take[air] en Occitanie, Leasephone et Protectus à Marseille … ), porteurs des mêmes valeurs que les nôtres.
Rappelez nous si le choix de ce statut est accessible à tous ?
A.W : Quelle que soit son activité, on peut devenir entreprise à mission, mais il faut accepter que la RSE entre dans la stratégie de l’entreprise et inscrire sa mission dans ses statuts. Être société à mission, c’est se doter d’une raison d’être en lien avec son activité et « d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité » (article L.210-10 du Code du Commerce). Cela oblige à se donner des objectifs en termes d’impact. En tant qu’ambassadrice de la communauté des entreprises à mission, je suis volontiers un contact référent pour les entreprises intéressées par le modèle dans notre région.
En savoir plus :
Sur les entreprises à mission
[Tribune] Obligation de bilan carbone : mettre fin aux flous et aux retards
Marchés publics éco-responsables : la Métropole fait un bilan d’étape